La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) célèbre cette année son jubilé d’or. Ce jalon est l’occasion de réfléchir non seulement au parcours collectif du bloc régional, mais aussi aux contributions individuelles de ses membres fondateurs. Le Ghana, pionnier de la diplomatie et de l’intégration en Afrique de l’Ouest, a joué un rôle central dans l’orientation de la CEDEAO au fil des décennies. Cet éditorial explore la participation du Ghana à l’organisation régionale en définissant ses réalisations, ses défis persistants et ce que l’avenir pourrait lui réserver alors que la CEDEAO est confrontée à des dissensions internes, à l’instabilité politique et à des questions sur sa pertinence.
La CEDEAO a été créée par les chefs d’État et de gouvernement des quinze pays d’Afrique de l’Ouest le28 mai 1975 à Lagos, au Nigeria. Le 29 janvier 2025, le Burkina Faso, le Mali et le Niger se sont officiellement retirés de la CEDEAO. Les douze (12) membres restants de la CEDEAO sont le Bénin, le Cap-Vert, la Côte d’Ivoire, la Gambie, le Ghana, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Liberia, le Nigeria, la Sierra Leone, le Sénégal et le Togo.
Le Secrétariat de la CEDEAO est devenu une Commission en 2017, dirigée par un président, qui est assisté d’un vice-président, de cinq commissaires et du vérificateur général des institutions de la CEDEAO. Ce changement a été considéré comme faisant partie d’un processus de renouvellement visant à approfondir la cohésion et à éliminer les obstacles à l’intégration.
Le Ghana, membre clé, s’est toujours aligné sur les objectifs clés de la Communauté, à savoir promouvoir la coopération et l’intégration, garantir la paix, la croissance économique et la stabilité dans la sous-région.
Au cours de ses cinquante années d’existence, la CEDEAO s’est efforcée d’atteindre les objectifs clés suivants afin d’améliorer la vie de ses habitants.
Libre circulation et intégration régionale
Le protocole de la CEDEAO sur la libre circulation des personnes, des biens et des services accorde aux citoyens le droit de résider et de travailler dans n’importe quel État membre sans visa. Si la CEDEAO estime que cette initiative a favorisé la création d’un marché commun de près de 400 millions de personnes et facilité les échanges commerciaux et culturels dans la région, des défis existent, notamment en ce qui concerne la concurrence et la position dominante de certains États membres. De plus en plus, des citoyens de certains États membres ont été attaqués dans d’autres pays, invoquant des pratiques déloyales en matière de concurrence et de travail.
- Initiatives de paix et de sécurité
Le rôle de la CEDEAO dans le maintien de la paix et de la sécurité a été exemplaire dans de nombreux cas, notamment au Liberia. Il est rappelé que le groupe de surveillance de la CEDEAO (ECOMOG) a joué un rôle important dans la conduite des initiatives de paix au Liberia et en Sierra Leone au cours des années 1990. La mise en place de la Force en attente de la CEDEAO (ESF) vise à répondre aux menaces sécuritaires, tandis que le système d’alerte précoce (ECOWARN) anticipe les conflits potentiels. De même, des initiatives clés telles que l’initiative d’Accra ont contribué à garantir la collaboration et la coopération en matière de partage de renseignements et de lutte contre l’extrémisme dans la région. Cependant, le succès global de la CEDEAO dans le maintien de la paix et de la sécurité a été gravement compromis par le manque de financement adéquat et les défis économiques auxquels sont confrontés les États membres. Néanmoins, les réunions régulières entre les chefs de la sécurité dans le cadre de la CEDEAO ont permis de faciliter le partage d’informations et les opérations de sécurité conjointes lorsque cela s’avérait nécessaire.
- Intégration économique et libéralisation du commerce
La CEDEAO a également introduit le Système de libéralisation du commerce de la CEDEAO (SLC) et le Tarif extérieur commun (TEC) en tant que mesures visant à améliorer le commerce et à favoriser la libre circulation des marchandises. Le Schéma de libéralisation du commerce de la CEDEAO garantit la libre circulation des marchandises originaires de la région de la CEDEAO sans paiement de droits et de taxes. Il aborde également la question des « règles d’origine », en veillant à ce que les produits provenant de pays tiers ne bénéficient pas d’un traitement en franchise de droits au sein de la communauté. Le défi, cependant, est que si le Schéma de coopération transfrontalière semble excellent sur le papier, des plaintes ont été déposées, en particulier par des hommes d’affaires, pour harcèlement aux frontières et aux points d’entrée des différents pays de la part des fonctionnaires des différents États.
- Développement du capital humain
La CEDEAO a investi dans le capital humain par le biais d’initiatives dans les domaines de l’éducation, de la santé et de l’autonomisation des jeunes. Des programmes tels que l’Organisation ouest-africaine de la santé (OOAS) ont permis de relever les défis en matière de santé publique, notamment les épidémies d’Ebola et de COVID-19. La CEDEAO a également permis à de jeunes volontaires de servir dans des pays où les enseignants et les travailleurs de la santé étaient les plus nécessaires. Là encore, ces initiatives ont été compromises par un manque de financement adéquat qui a eu tendance à limiter la portée et la durabilité de ces programmes.
Projets d’énergie et d’infrastructure
Les efforts déployés par la CEDEAO pour garantir l’intégration des sources d’énergie à usage collectif au cours des 50 dernières années sont louables. Le Pool énergétique de l’Afrique de l’Ouest (WAPP) vise à intégrer les systèmes électriques de la région et à fournir une énergie fiable aux citoyens. Des projets tels que le Gazoduc de l’Afrique de l’Ouest (WAGP) et le Centre de la CEDEAO pour les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique comptent parmi les réussites. Comme c’est le cas pour la plupart des initiatives, la mise en œuvre de ces projets louables n’a pas été aussi rapide que prévu.
- Promotion de la démocratie et de la gouvernance
La promotion de la démocratie et de la gouvernance a été l’une des principales priorités de la CEDEAO. La CEDEAO a participé activement à la surveillance des élections et à la facilitation des transitions pacifiques du pouvoir. Ses efforts diplomatiques ont été cruciaux pour résoudre les crises politiques. Cependant, elle n’a pas toujours été couronnée de succès dans cet effort, car sa force d’intervention n’est pas pleinement opérationnelle, et la voie diplomatique n’a pas toujours donné les résultats escomptés. Son échec à ramener le Mali, le Niger et le Burkina Faso à la table de la CEDEAO en est un exemple.
Bien que la CEDEAO ait obtenu des succès notables au cours des 50 dernières années, elle est confrontée à des défis importants pour l’avenir. Il s’agit notamment de l’instabilité politique et du retrait récent de certains États membres. Voici quelques-unes de ses principales lacunes ;
- Inefficacité de la prévention et du traitement des coups d’État militaires
- Divisions internes et tensions politiques, en particulier entre les pays anglophones et francophones
- Mauvaise gestion financière et manque de responsabilité
- Absence de prévention du retrait des États membres
- Impact limité sur le développement socio-économique
- Atteinte à la libre circulation par les fonctionnaires aux frontières
- Investissements limités dans le transport routier et les infrastructures ferroviaires.
Ces défis soulignent la nécessité pour la CEDEAO d’entreprendre des réformes globales afin d’améliorer son efficacité, sa responsabilité et sa capacité à favoriser l’unité et le développement de la région.
Le Ghana, membre fondateur de la CEDEAO, pourrait être amené à reconsidérer son adhésion à l’organisation. Certains Ghanéens se demandent s’il y a des avantages tangibles à rester membre d’une organisation qui est confrontée à de graves problèmes d’intégration.
CISA estime que le Ghana doit rester dans la CEDEAO. Les avantages qui en découlent l’emportent largement sur les difficultés. Il est nécessaire que le Ghana approfondisse sa collaboration dans les domaines de la collecte de renseignements, de la sécurité et du partage d’informations, de l’alerte précoce, du commerce et du développement économique.
Bien que le précédent créé par les trois États du Sahel (Burkina Faso, Niger et Mali) ait été motivé par leurs défis particuliers, ils devront marcher sur une corde très raide pour s’assurer qu’ils ne sont pas pris au piège d’une relation qui les maintiendrait assujettis à une puissance étrangère. Leur plus grand marché reste la CEDEAO, et leur intégration éventuelle est très attendue, en particulier par le Ghana. À l’avenir, le Ghana doit donc continuer à considérer son adhésion à la CEDEAO comme essentielle et s’efforcer d’avoir une voix plus forte pour déterminer l’avenir de l’organisation au cours des 50 prochaines années. Cela doit se faire en soutenant activement les activités de l’organisation, en fournissant à ses jeunes infirmières, enseignants et ingénieurs des expériences dans d’autres pays de la CEDEAO pour entreprendre un service national, et en travaillant à la réalisation de l’intégration dans les transports ferroviaires, routiers et aériens et les services numériques connexes.