Introduction
Traditionnellement, la sécurité nationale se concentre sur les préoccupations militaires et politiques, le gouvernement s’appuyant sur plusieurs mesures, dont la diplomatie, pour préserver la sécurité d’un État-nation.
Toutefois, au tournant du millénaire, des éléments qui, traditionnellement, n’entraient pas dans le cadre des situations militaires et politiques, tels que les problèmes de santé publique, ont redéfini l’idée que nous nous faisons de la sécurité nationale.
Par exemple, depuis son identification il y a plus de trente ans, le VIH/sida a infecté au moins 60 millions de personnes et causé plus de 25 millions de décès (Merson et al., 2008 ; Geene, 2007).
C’est dans les pays en développement que la morbidité et la mortalité liées au VIH/sida sont les plus importantes, les taux de prévalence les plus élevés étant enregistrés chez les jeunes adultes d’Afrique subsaharienne (Sharp & Hahn, 2011).
La menace que représente le VIH/sida pour les jeunes de l’Afrique subsaharienne, par exemple, en fait une menace puissante pour la sécurité régionale, qui nécessite une action.
Au tournant du millénaire, une guerre a été menée contre la pandémie en Afrique subsaharienne, le 6e objectif du Millénaire pour le développement visant à lutter contre le VIH/sida, le paludisme et d’autres maladies.
Au Ghana, la Commission nationale de lutte contre le sida a été créée en 2002 pour assurer une formulation, une coordination et une gestion efficaces et efficientes de la réponse nationale au VIH et au sida, en partenariat avec toutes les parties prenantes. Les efforts de la Commission reflètent une approche globale de la lutte contre l’épidémie, qui comprend des initiatives éducatives visant à accroître la sensibilisation et la prévention. L’inclusion d’un cours sur le VIH/sida dans les universités est une initiative majeure. Ce cours, non noté mais obligatoire, permet aux étudiants d’être mieux informés sur la maladie, les mesures de précaution à prendre et les séquelles qu’elle entraîne. Cette initiative a permis d’intégrer la sensibilisation au VIH/sida dans les programmes d’études et de sensibiliser les jeunes, qui sont les dirigeants de demain.
Les grands médias traditionnels du Ghana ont également contribué de manière significative à la sensibilisation. Des programmes télévisés tels que « Things We Do for Love », dont les thèmes touchaient à l’éducation sexuelle, ont contribué à éduquer les gens sur la maladie, en donnant un sens à la maladie et à ses conséquences. D’autres productions locales ont également joué un rôle à cet égard.
Cet effort de promotion des connaissances par le biais des médias, accompagné de la distribution de brochures et de livres, a permis de diffuser des informations et de réduire la stigmatisation associée au VIH/SIDA. Dans les écoles primaires et secondaires, l’introduction d’une chanson sur le VIH/sida est devenue un outil mémorable pour éduquer les enfants. La chanson, « Now I Know that HIV Exists », était largement connue des écoliers au début des années 2000 et a permis de transmettre des informations essentielles sur la maladie de manière attrayante et mémorable.
Malgré ces efforts, des données récentes révèlent une situation inquiétante. Un rapport publié par Citinewsroom.com le 19 juin 2024 révèle une augmentation de 9 % de la population séropositive entre 2013 et 2023, avec une hausse prévue de 6,8 % entre 2023 et 2028 (Asim, 2024). Cette tendance contraste fortement avec l’objectif de développement durable (ODD) 3.3, qui vise à mettre fin à l’épidémie de sida d’ici à 2030. En outre, des données récentes de la Commission ghanéenne du sida (GAC) soulignent l’urgence de la situation, en montrant que les nouvelles infections par le VIH chez les individus âgés de 15 à 24 ans représentent 28,0 % des nouveaux cas, contre 15,0 % chez les enfants âgés de 0 à 14 ans (Commission ghanéenne du sida, 2019). Cet impact disproportionné sur les jeunes souligne la nécessité d’intensifier les efforts pour lutter efficacement contre l’épidémie et atteindre les objectifs mondiaux en matière de santé.
L’objectif de cet article est d’examiner l’augmentation alarmante de la prévalence du VIH/SIDA chez les jeunes au Ghana et ses implications pour la sécurité nationale.
2. Modèles et tendances du VIH/SIDA au Ghana et en Afrique
Le sida est la première cause de décès chez les jeunes en Afrique, où la plupart d’entre eux résident en Afrique subsaharienne, et il est actuellement la deuxième cause de décès chez les jeunes dans le monde (Dako-Gyeke et al., 2020 ; Kim et al., 2015). En 2016, 73 % des adolescents africains étaient nouvellement infectés par le VIH (UNICEF, 2017). Étant donné que de nombreuses nations africaines, dont le Ghana, ont une population jeune (ONUSIDA, 2013), la situation est préoccupante. Selon les projections, la population des Africains âgés de 10 à 24 ans devrait atteindre plus de 750 millions d’ici 2060. Cela signifie que si les tendances actuelles se poursuivent, il y aura probablement une augmentation des nouvelles infections par le VIH au sein de cette population (UNICEF, 2016).
Arhin et al. (2021) ont mené une étude rétrospective sur la prévalence du VIH dans la municipalité de Hohoe sur une période de cinq ans (2013 à 2017). Ils ont découvert que les personnes âgées de 25 à 34 ans sont celles qui ont subi le plus grand nombre de tests de dépistage du VIH. En ce qui concerne le sexe, tout au long des cinq années, le nombre total de femmes séropositives a été plus de deux fois supérieur à celui des hommes. Sur les 18 928 nouvelles infections par le VIH en 2020, 5 211 concernaient des jeunes âgés de 15 à 24 ans, selon les données de la Commission ghanéenne de lutte contre le sida (GAC). En 2020, ce nombre équivaut à 28 % de l’ensemble des nouvelles infections. Parmi eux, 4 325 étaient des femmes (83 % du total) et 886 des hommes (17 % du total).
Le rapport du GAC de septembre 2021 indique que sur les 18 928 nouvelles infections signalées en 2020, 10 032 (53 %) ont été recensées chez des personnes âgées de 25 ans et plus. De même, 3 596 nouvelles infections d’enfants âgés de 0 à 14 ans ont été signalées, ce qui représente 19 % de tous les cas de transmission de la mère à l’enfant. Les journalistes ont été informés par M. Kyeremeh Atuahene, directeur général du GAC, que les infections chez les jeunes constituent une menace sérieuse pour la lutte contre le VIH/SIDA. Il affirme que les jeunes de 15 à 24 ans contractent principalement l’infection lors de relations sexuelles avec des hommes plus âgés.
3. La culture de la drague chez les jeunes et la prévalence du VIH/SIDA au Ghana
Le terme « culture du branchement » a un contexte unique en Afrique, en particulier au Ghana, où il implique souvent des relations sexuelles transactionnelles, où les activités sexuelles sont échangées contre des gains financiers ou des avantages matériels. Ces pratiques font l’objet d’une promotion agressive sur les plateformes de médias sociaux comme TikTok et Snapchat, où les jeunes femmes se vantent d’avoir eu des relations sexuelles transactionnelles en échange d’avantages financiers. Les médias sociaux amplifient la normalisation de ces activités, et de plus en plus de personnes s’engagent dans des comportements à risque. De nombreuses jeunes femmes justifient le sexe transactionnel comme un moyen d’atteindre la stabilité financière, souvent sous l’influence de pressions économiques. Ces femmes ou filles, communément appelées « slay queens », ont souvent des relations sexuelles avec des hommes plus âgés appelés « sugar daddies », ce qui augmente le risque d’infection (Amo-Adje et al., 2014). Le fait d’adopter publiquement un tel comportement accroît le risque de transmission en raison d’une protection incohérente et de la multiplicité des partenaires sexuels, ce qui rend la gestion de l’épidémie encore plus complexe.
4. L’explosion de la jeunesse et ses implications pour la sécurité nationale au Ghana
Le Ghana connaît une explosion de la jeunesse, qui présente à la fois des opportunités et des défis pour la sécurité nationale. Si une population jeune peut être le moteur de l’innovation et de la croissance économique, la forte prévalence du VIH/sida au sein de ce groupe constitue une menace sérieuse pour la stabilité nationale en termes de productivité de la main-d’œuvre, de développement économique et de cohésion sociale. Une perte d’une telle ampleur – peut-être un quart ou plus d’une population victime de maladies liées au sida, avec des systèmes de santé poussés au-delà de leurs limites – sape le tissu même de la société et ralentit le développement vers la durabilité.
Les effets secondaires des médicaments antirétroviraux (ARV) viennent encore compliquer la question de la sécurité nationale. Bien que les ARV soient essentiels pour gérer le VIH et améliorer la qualité de vie, ils s’accompagnent d’effets secondaires potentiels, notamment des problèmes gastro-intestinaux, des problèmes métaboliques, une toxicité hépatique, des lésions rénales, une perte de densité osseuse et des effets neurologiques. Ces effets secondaires représentent un fardeau supplémentaire pour la santé et la productivité des individus, ce qui accroît la demande en ressources de soins de santé et affecte la stabilité économique. Il faut donc continuer à prendre en charge et à soutenir les personnes touchées, ce qui complique encore la réponse de la santé publique et les concepts plus larges de la sécurité nationale.
5. Recommandations et conclusion
Les efforts visant à réduire la pandémie de VIH/SIDA parmi les jeunes du Ghana doivent être multiformes. Il s’agit notamment de renforcer les systèmes de santé en assurant l’accès aux services de dépistage, de traitement et de prévention, tout en gérant les effets secondaires liés aux ARV. Les programmes d’éducation sexuelle et de sensibilisation du public devraient viser à réduire les comportements à risque et à diminuer la stigmatisation.
La révision et l’application des politiques nationales pour répondre au mieux aux besoins des jeunes et l’amélioration de la coordination entre les agences sont des étapes essentielles.
Compte tenu de cette prévalence alarmante, le VIH/sida chez les jeunes au Ghana est devenu une menace pour la sécurité nationale, ayant un impact sur la santé publique, la stabilité économique et la cohésion sociale.
Des défis tels que la visibilité du sexe transactionnel dans les médias sociaux et les effets secondaires des ARV rendent ces questions de plus en plus critiques, exigeant des réponses globales et à plusieurs niveaux.
Un effort concerté des décideurs politiques, des prestataires de soins de santé et des responsables communautaires est nécessaire pour mieux gérer l’épidémie et assurer la prospérité future du Ghana.
Référence
Amo-Adjei, J., Kumi-Kyereme, A. et Anamaale Tuoyire, D. (2014). Transactional sex among female university students in Ghana : Implications for HIV education. Health Education, 114(6), 473-486. https://doi.org/10.1108/he-02-2014-0013
Arhin, M., Dovia, C. K., Todoko, C. et Agbeko, D. T. (2021). Analyse des tendances de la prévalence du VIH dans la municipalité de Hohoe au Ghana, de 2013 à 2017. International Journal of Multidisciplinary Studies and Innovative Research, 643-651. https://doi.org/10.53075/ijmsirq53545353
Asim, C. K. (2024). Les adultes âgés de 25 ans et plus constituent la majorité de la population séropositive. Consulté le 9 septembre 2024 sur le site https://citinewsroom.com/2024/06/adults-aged-25-and-above-constitute-majority-of-hiv-population-aids-commission/
Dako-Gyeke, M., Boateng, A., Addon, S., Gyimah, L. et Agyemang, S. (2020). Understanding adolescents living with HIV in Accra, Ghana (Comprendre les adolescents vivant avec le VIH à Accra, au Ghana). Children and Youth Services Review, 108, 104590.
Commission du SIDA du Ghana (2019). Fiche d’information sur le VIH au Ghana Estimations sous-nationales.
Greene, W. C. (2007). Une histoire du SIDA : regarder en arrière pour voir plus loin. European journal of immunology, 37(S1), S94-S102.
Kim, M. H., Mazenga, A. C., Yu, X., Devandra, A., Nguyen, C., Ahmed, S., … & Sharp, C. (2015). Facteurs associés à la dépression chez les adolescents vivant avec le VIH au Malawi. BMC psychiatry, 15, 1-12.
Merson, M. H., O’Malley, J., Serwadda, D. et Apisuk, C. (2008). The history and challenge of HIV prevention (L’histoire et le défi de la prévention du VIH). The lancet, 372(9637), 475-488.
Sharp, P. M. et Hahn, B. H. (2011). Origines du VIH et de la pandémie de sida. Cold Spring Harbor perspectives in medicine, 1(1), a006841. https://doi.org/10.1101/cshperspect.a006841
ONUSIDA. (2013). Le Président du Sud-Soudan s’engage à renforcer la riposte du pays au VIH. Consulté le 06 septembre 2024, sur https://www.unaids.org/en/resources/presscentre/featurestories/2013/october/20131002southsudan
UNICEF (2017). Tableaux statistiques : La situation des enfants dans le monde. Consulté sur le site https://data.unicef.org/wp-content/uploads/2018/03/SOWC-2017-statistical-tables.pdf.
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