Introduction
Ibrahim Traoré est un capitaine burkinabé qui s’est fait connaître en devenant le président intérimaire du Burkina Faso à la suite d’un coup d’État en septembre 2022. Avant de s’emparer du pouvoir, Traoré a servi en tant qu’officier militaire, ayant rejoint l’armée en 2009 et ayant atteint le grade de capitaine en 2020. Sa carrière s’est caractérisée par une expérience de première ligne dans la lutte contre les insurgés djihadistes dans la région rétive du Sahel, y compris un déploiement au Mali dans le cadre de la mission de maintien de la paix des Nations unies. Avant son putsch, il était à la tête d’un régiment d’artillerie à Kaya, où lui et ses camarades étaient de plus en plus frustrés par l’incapacité du gouvernement à contenir l’insurrection meurtrière qui ravageait le pays.
L’instabilité qui a conduit à la prise de pouvoir de M. Traoré a débuté sous la présidence de Roch Marc Christian Kaboré, dont le mandat a été marqué par une crise sécuritaire catastrophique due à l’escalade des attaques djihadistes, qui ont entraîné des déplacements massifs de population et des pertes en vies humaines. Le mécontentement de la population et des militaires face à l’incapacité du gouvernement à sécuriser le pays a culminé avec le coup d’État de janvier 2022 mené par le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, que M. Traoré a d’abord soutenu. Cependant, le gouvernement de Damiba n’a pas non plus réussi à inverser la tendance à la détérioration de la situation sécuritaire, perdant encore du terrain face aux militants. Invoquant l’incompétence présumée de Damiba et ses promesses non tenues de lutter contre l’insurrection, Traoré a mené un second coup d’État en septembre 2022, destituant son ancien supérieur et s’installant à la tête de la junte militaire.
Le30 septembre 2025 a marqué le troisième anniversaire du Mouvement Patriotique pour la Sauvegarde et la Restauration (MPSR 2) sous la direction du Capitaine Ibrahim Traoré. On se souvient que lors de sa toute première interview à la radio Omega FM, le capitaine Ibrahim Traoré, que beaucoup de Burkinabè commençaient à connaître, avait déclaré qu’il s’agissait de « petits problèmes logistiques » qui seraient résolus en trois mois. Pour de nombreux observateurs, le nouvel homme fort, à l’époque, devait mettre fin au terrorisme qui secoue le Burkina Faso depuis 2015 en seulement trois mois. Cet article se propose de faire le bilan de ses trois années passées à la tête du Burkina Faso, jusqu’à présent.
Insécurité et crise humanitaire
Au cours des trois dernières années, plusieurs acquisitions d’équipements et d’engins militaires ont été réalisées au profit des Forces de défense et de sécurité (FDS). Selon le ministère de l’Economie, plus de 600 milliards de francs CFA ont été investis dans l’acquisition d’équipements militaires. Dans sa vision de restructuration de l’armée, le capitaine Ibrahim Traoré a renforcé les rangs par un recrutement massif de soldats et de Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP) et la création de Bataillons d’Intervention Rapide (BIR) pour servir d’unité plus mobile et plus offensive contre les groupes terroristes. En décembre 2024, le ministre de la Défense, le général Célestin Simporé, a indiqué que 70,89 % du territoire burkinabé avait été reconquis sur les terroristes. Ce chiffre a augmenté au premier trimestre 2025, passant à 72,70 %.
Certaines actions sur le terrain ont permis de progresser dans la résolution de la crise humanitaire. Au30 juin 2025, le ministère de l’Action humanitaire et de la Solidarité nationale a annoncé le retour de plus de 1,6 million de personnes déplacées à l’intérieur du pays (PDI) dans leurs localités. Dans le même contexte, 23 villages ont été déclarés réinstallés, suivis d’un soutien au logement et aux abris d’urgence. Selon le dernier rapport statistique sur l’éducation d’urgence (EiE) fourni par le ministère de l’éducation nationale, de l’alphabétisation et de la promotion des langues nationales, au31 mai 2025, 1 473 écoles ont rouvert leurs portes, permettant à 284 831 élèves de retourner à l’école.
L’économie
Le budget national a augmenté de manière significative, passant de plus de 1 200 milliards de FCFA en 2022 à plus de 3 000 milliards de FCFA en 2024. Ceci est principalement justifié par la politique d' »économie de guerre ». Le Fonds de soutien patriotique a collecté plus de 175,68 milliards de FCFA en 2024, contre plus de 99,03 milliards de FCFA en 2023. Ces ressources sont notamment utilisées pour le fonctionnement du PDV, et pour l’équipement des forces de combat. Depuis septembre 2022, l’État burkinabè est intervenu dans le secteur des infrastructures avec la création de l’Office national des barrages et des aménagements hydro-agricoles (ONBAH) et de Faso-Mêbo ; dans le secteur de l’industrie avec la création de Faso Kosam, des usines de tomates, la reprise de la SN-SOSUCO ; ainsi que dans le secteur minier.
Pour le chef de l’Etat, les activités d’import-export menées par certains opérateurs économiques ne servent qu’à faire sortir de l’argent du pays et ne fournissent pas d’emplois aux populations. Il faut donc, selon lui, que ces opérateurs se réorientent en investissant dans l’exploitation minière ainsi que dans l’agriculture. Dans ce domaine, il a déploré la réticence persistante des acteurs privés qu’il a mis en garde.
Diplomatie
La diplomatie burkinabé a été active ces trois dernières années. En signant la Charte du Liptako-Gourma le16 septembre 2023, les présidents du Burkina Faso, du Mali et du Niger, tous arrivés au pouvoir par un coup d’État, ont créé l’Alliance des États du Sahel (AES), qui s’est transformée en Confédération des États du Sahel en juillet 2024.
En août 2024, le gouvernement burkinabé a créé la Commission nationale de la confédération de l’AES (CN-AES), présidée par Bassolma Bazié, ancien ministre de la fonction publique d’Ibrahim Traoré et figure marquante du syndicalisme au Burkina Faso avant l’arrivée des militaires au pouvoir.
Soucieux de diversifier ses partenaires, Ibrahim Traoré a fait de la Fédération de Russie son partenaire privilégié. Les relations entre les deux pays se sont renforcées avec des visites de délégations russes au Burkina Faso et vice-versa.
Outre les pays voisins tels que le Ghana, le Mali et le Niger, le Burkina Faso a renforcé ses relations diplomatiques avec d’autres pays africains.
Défis et perspectives
Le règne du capitaine Ibrahim Traoré reste confronté à des défis majeurs. Sur le plan sécuritaire (création du BIR, mobilisation du PDV, investissements massifs dans la défense), l’insécurité reste élevée malgré les acquis. Les groupes djihadistes (JNIM, ISSP, etc.) continuent de mener des attaques, souvent très meurtrières, notamment dans les régions du Sahel, du Nord, de l’Est et du Centre-Nord. De nombreuses zones restent inaccessibles et le retour des services de l’Etat est encore partiel ou incomplet dans plusieurs régions.
Sur le plan politique, la promesse d’un retour à l’ordre constitutionnel (par le biais d’élections démocratiques) n’est plus à l’ordre du jour. Le
Selon Human Rights Watch, l’ACLED et d’autres ONG, le conflit a fait plus de 26 000 morts entre 2016 et 2025, dont environ 15 500 depuis le coup d’État de septembre 2022. En 2024, le Burkina Faso a été classé par le Global Terrorism Index comme le pays le plus touché par le terrorisme dans le monde. Ce rapport indique que pour 2024 : 111 attaques terroristes, ont causé 1 532 morts. Les attaques sont certes moins nombreuses qu’en 2023, mais plus meurtrières.
Le bilan de ces trois années est mitigé. Si les progrès sont réels, notamment dans l’intensification des efforts militaires, une plus grande implication de l’Etat dans l’économie et une volonté d’autonomie plus marquée (économique, sécuritaire), des défis restent à relever. Il est à noter que de nombreux objectifs initiaux n’ont pas été atteints dans les délais annoncés, notamment en ce qui concerne la sécurité et le retour rapide à un régime pleinement démocratique. Le renforcement de la confiance et l’amélioration de la situation économique, y compris l’amélioration des relations avec la CEDEAO, contribueraient grandement à améliorer les perspectives du Burkina Faso.
Références
Agence d’information du Burkina (Aperçu de l’entretien approfondi : Le président Ibrahim Traoré exhorte le secteur privé à s’adapter en investissant dans les mines et l’agriculture | AIB – Agence d’information du Burkina)
Human Rights Watch (Burkina Faso : Un massacre souligne l’urgence de protéger les civils | Human Rights Watch)
Agence Ecofin(www.agenceecofin.com)



























