Dans le paysage géopolitique complexe et volatile de l’Afrique de l’Ouest, l’interaction entre les mesures antiterroristes et le droit international revêt une grande importance. Certains pays de la région, comme le Niger, le Mali et le Burkina Faso, qui sont la cible d’attaques de divers groupes terroristes, sont confrontés à une tâche complexe dans leurs efforts de lutte contre le terrorisme : Ils doivent mettre en œuvre des stratégies antiterroristes efficaces tout en respectant les principes juridiques internationaux relatifs à la prévention des dommages transfrontaliers dans les pays voisins au cours de leurs opérations antiterroristes. Plusieurs principes du droit international soulignent cette responsabilité dans l’adoption et la mise en œuvre de mesures antiterroristes par les pays assiégés par des groupes terroristes.
Principes juridiques internationaux de la lutte contre le terrorisme
Souveraineté : Ce principe fondamental du droit international affirme que les pays ont le droit de se gouverner eux-mêmes sans ingérence extérieure. Ce principe est inscrit dans la Charte des Nations unies, notamment à l’article 2, paragraphe 4, qui interdit la menace ou l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un État. Cela signifie que toute action militaire, telle que des raids transfrontaliers ou des frappes de drones pour combattre des groupes terroristes dans n’importe quel pays, doit être soigneusement planifiée et exécutée pour éviter d’empiéter sur la souveraineté des pays voisins ou, pire encore, de blesser des personnes non armées et non combattantes dans ces pays. La violation des lois relatives à la sécurité des frontières d’un autre pays peut facilement être considérée comme un acte d’agression, ce qui peut créer des tensions entre les pays et éventuellement déboucher sur un conflit grave, comme cela s’est produit dans le cas du Mali voisin de la Mauritanie.
Le devoir de prévenir les dommages transfrontaliers : Selon les Nations Unies, un dommage transfrontalier est un dommage causé sur le territoire ou en d’autres lieux placés sous la juridiction ou le contrôle d’un État autre que l’État d’origine, que les États concernés partagent ou non une frontière commune. On entend par « préjudice » le préjudice causé aux personnes, aux biens ou à l’environnement. L’État d’origine prend toutes les mesures appropriées pour prévenir un dommage transfrontière significatif ou, en tout état de cause, pour en réduire le risque au minimum. Les Etats concernés coopèrent de bonne foi et, si nécessaire, demandent l’assistance d’une ou de plusieurs organisations internationales compétentes pour prévenir un dommage transfrontière significatif ou, en tout état de cause, pour réduire au minimum le risque d’un tel dommage.
Les pays sont tenus de veiller à ce que les mesures qu’ils prennent pour assurer leur sécurité ne nuisent pas à leurs voisins. Ce devoir est également énoncé dans les articles de la Commission du droit international (CDI) sur la prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses (2001). Bien que principalement axé sur les atteintes à l’environnement, ce principe est largement applicable et souligne l’obligation pour tous les États de faire preuve de diligence raisonnable dans la prévention des actions menées sur leur territoire et susceptibles de causer des dommages au-delà de leurs frontières.
Obligations en matière de droits de l’homme : Les mesures antiterroristes doivent respecter les normes en matière de droits de l’homme. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), que de nombreux États d’Afrique de l’Ouest ont ratifié, exige des États qu’ils respectent et garantissent les droits de tous les individus se trouvant sur leur territoire et sous leur juridiction. Il s’agit notamment de l’obligation de protéger les individus contre le terrorisme tout en veillant à ce que les mesures antiterroristes ne violent pas les droits de l’homme.
La stratégie de lutte contre le terrorisme de la CEDEAO
Le14 mai 2024, le plan de mise en œuvre de la stratégie de lutte contre le terrorisme de la CEDEAO a été établi lors de la 42e session extraordinaire de l’Autorité des chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO qui s’est tenue à Accra, au Ghana. Le plan de mise en œuvre de la stratégie exige que toute détention, arrestation, emprisonnement ou expulsion forcée, déportation et autres sanctions à l’encontre de terroristes présumés soient prises dans le strict respect des règles du droit international. À cette fin, tous les États membres veillent à ce que l’arrestation, la détention, l’expulsion forcée, l’emprisonnement ou même l’assassinat ciblé de personnes soupçonnées de terrorisme se fassent dans le respect des procédures légales. Le respect des droits de l’homme est essentiel pour la conduite interne des mesures antiterroristes et pour la prévention des dommages transfrontaliers.
Dans un pays d’Afrique de l’Ouest, par exemple, les arrestations arbitraires massives de terroristes présumés lors d’opérations antiterroristes ciblant des réseaux terroristes présumés pourraient entraîner des violations des droits de l’homme. Lorsque les gouvernements ne veillent pas à ce que les personnes arrêtées parce qu’elles sont soupçonnées d’appartenir à des réseaux et organisations terroristes ne soient pas détenues arbitrairement, les terroristes présumés et leurs communautés peuvent fuir vers les pays voisins pour demander l’asile. Cet afflux peut peser sur les ressources des États voisins, les déstabiliser et, à terme, propager le conflit au-delà des frontières de ces États, dans d’autres pays.
Cadres juridiques en Afrique de l’Ouest
L’Afrique de l’Ouest est le théâtre d’une activité terroriste intense, avec des groupes tels qu’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), le Mouvement pour l’unité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO), Boko Haram, Ansar Dine, Ansar Sharia, Jama’atul Ansarul Musilimina Fi Biladis Sudan (JAMS- Ansaru) et l’État islamique dans le Grand Sahara (ISGS) qui opèrent dans la région. Pour répondre aux activités de ces groupes terroristes dans la région, la coopération régionale et le respect des exigences et des principes du droit international en matière de terrorisme et d’activités terroristes sont essentiels.
Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) : La CEDEAO joue un rôle central dans la promotion de la coopération régionale contre le terrorisme. La stratégie de lutte contre le terrorisme de la CEDEAO, adoptée en 2013, et le plan de mise en œuvre de la stratégie de lutte contre le terrorisme de la CEDEAO, établi en 2014, soulignent la nécessité pour les États membres de coopérer en matière de partage de renseignements, d’opérations militaires conjointes et d’adhésion aux droits de l’homme et aux principes de l’État de droit. La stratégie souligne l’importance de prévenir les actions susceptibles de déstabiliser les pays voisins.
Instruments de l’Union africaine (UA) : La Convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre le terrorisme (1999) et son protocole de 2004 soulignent la nécessité pour les États membres de veiller à ce que leurs mesures antiterroristes n’affectent pas négativement d’autres États. L’UA met l’accent sur le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte contre le terrorisme.
Coopération internationale et instruments juridiques : Les États d’Afrique de l’Ouest sont également parties à divers traités et conventions internationaux qui influencent leurs stratégies de lutte contre le terrorisme. Par exemple, la stratégie antiterroriste mondiale des Nations unies et les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité (telles que la résolution 1373 du Conseil de sécurité des Nations unies) appellent à des mesures globales pour lutter contre le terrorisme, y compris la coopération internationale et le respect du droit international.
Conclusion
Les principes du droit international constituent une base essentielle pour les États d’Afrique de l’Ouest dans leur lutte contre le terrorisme. Ces normes juridiques soulignent l’importance de la prévention des dommages transfrontaliers, du respect de la souveraineté des États et de la défense des droits de l’homme. En adhérant à ces principes, les États sont guidés vers une approche plus équilibrée et plus coopérative de la lutte contre le terrorisme. Les efforts de lutte contre le terrorisme doivent être soigneusement conçus pour garantir que les actions menées dans un pays ne déstabilisent pas par inadvertance les États voisins. Cela nécessite une coordination et une communication solides entre les pays d’Afrique de l’Ouest.
Bien que des défis importants persistent, tels que la faiblesse des institutions étatiques, l’instabilité politique et la nature complexe des menaces terroristes, l’adhésion à ces principes de droit international est cruciale. En suivant ces lignes directrices, les États d’Afrique de l’Ouest peuvent renforcer la stabilité régionale et s’assurer que leurs efforts de lutte contre le terrorisme sont alignés sur les objectifs plus larges de la paix et de la sécurité.
Source : Analyste CISA
RÉFÉRENCES
Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest. (2014, 14 mai). Le plan de mise en œuvre de la lutte contre le terrorisme de la Cedeao. https://ecowas.int/. http://www.ecowas.int/
Discussion générale du Comité des droits de l’homme des Nations unies sur la préparation d’une observation générale sur l’article 6 (droit à la vie) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). (2018, 17 août). https://doi.org/10.1163/2210-7975_hrd-5555-2015002United Collection des traités des Nations. (n.d.). https://treaties.un.org/