À l’exception de quelques conflits interethniques localisés qui trouvent généralement leur origine dans des conflits de chefferie et de terres, le Ghana s’est avéré être un pays où règne une coexistence interethnique et interreligieuse pacifique. Aucun de ces conflits spécifiques et localisés, tels que les conflits récurrents entre les Nanumba et les Kokomba, les Nkonya et les Alavanyo, les Konkomba et les Gonja, les Dagomba et les Nanumba, les Gonja et les Vagla, les Abudu et les Andani, entre autres, n’a jamais débordé et dégénéré à l’échelle nationale, comme ce fut le cas lors du génocide rwandais de 1994, qui a pris racine dans la haine pure et a conduit au massacre impitoyable de près d’un million de Tutsis et de Hutus modérés.
Ces conflits ghanéens ont toujours été circonscrits à leur voisinage. De même, les chrétiens et les musulmans ghanéens ont coexisté pacifiquement, au point qu’il existe même des mariages interreligieux, tout comme des mariages interethniques, qui ne sont que trop fréquents dans cette nation productrice d’or, de cacao et de pétrole, qui compte 31 millions d’habitants de cultures et de langues différentes.
En revanche, le Nigeria connaît depuis 1953 des conflits entre chrétiens et musulmans qui durent depuis des décennies. L’insurrection de Boko Haram, qui cherche à établir un État islamique au Nigeria, est le point culminant de ce conflit dans le pays le plus peuplé d’Afrique. On peut également citer l’exemple de la rébellion islamiste touareg au Mali depuis 2012 et le conflit avec la milice Al-Shabaab en Somalie. Par ailleurs, le Bundu dia Kongo, en République démocratique du Congo, a réclamé un État religieux fondé sur une forme syncrétique de christianisme.
Autre exemple, l’Armée de résistance du Seigneur, née en Ouganda, avait des revendications chrétiennes. De même, la guerre civile au Soudan a été une vitrine de l’affrontement sanglant entre musulmans et chrétiens (et animistes). Depuis 2013, la République centrafricaine (RCA) est également le théâtre d’effusions de sang massives entre chrétiens et musulmans. Les combats opposent le gouvernement de l’ancienne coalition Seleka de la RCA, composée de groupes rebelles issus principalement de la minorité musulmane, à la coalition anti-balaka, majoritairement chrétienne. Ce conflit fait partie de la guerre civile en RCA depuis 2012.
En Éthiopie, un gouvernement dominé par les chrétiens lutte contre plusieurs groupes rebelles majoritairement musulmans. La plupart de ces conflits religieux sont généralement sous-tendus par la discrimination d’un groupe ou d’un autre. Et comme cela s’est produit au Rwanda pendant le génocide, la suspicion entre les deux parties est telle qu’il n’y a rien qui ressemble à une coexistence pacifique, comme c’est le cas au Ghana, où, malgré les différences religieuses et ethniques, les musulmans épousent des chrétiens et vice-versa ; tandis que les politiciens musulmans sont même capables d’assister librement et de manière très tolérante aux services religieux et aux cérémonies lorsque cela est nécessaire, de fraterniser avec leurs homologues chrétiens et de partager des messages de bonne volonté pendant les festivités chrétiennes telles que Pâques, Noël, entre autres. De même, les hommes politiques chrétiens peuvent librement, sans la moindre crainte ou suspicion, se rendre à la mosquée pour participer aux rituels islamiques et même faire des dons aux communautés musulmanes lors de fêtes telles que l’Aïd ul-Fitr et l’Aïd ul-adha. Et cela ne s’arrête pas là. Il est arrivé que des religieux chrétiens et musulmans s’assoient autour d’une même table à l’occasion de divers événements et organisent même des réunions interreligieuses. L’imam principal du pays, Sheikh Dr Nuhu Sharabutu, a dû fraterniser avec des évêques catholiques et d’autres religieux chrétiens lors de cérémonies spéciales. Les relations entre musulmans et chrétiens au Ghana ont été généralement et largement cordiales et pacifiques, au point que le porte-parole de l’imam en chef national a déclaré en janvier 2023, lors d’interviews publiques, qu’il pensait que les chrétiens tenaient même le plus haut dignitaire religieux islamique du pays en bien plus haute estime que ses compatriotes musulmans.
Le dimanche 21 avril 2019, dimanche de Pâques, l’imam en chef national a fait monter en flèche l’essence de la paix religieuse et de la coexistence au Ghana lorsqu’il s’est présenté à l’église catholique Christ The King d’Accra pour célébrer la messe avec le curé, le très révérend père Andrew Campbell, et la congrégation.
« Sa venue ici est un signe de rassemblement, d’unité et de vie en harmonie les uns avec les autres », a fait remarquer le très révérend Campbell. Les collaborateurs de l’imam principal ont expliqué que la visite de l’ecclésiastique à la paroisse pour la messe était un geste réciproque à l’égard de plusieurs membres du clergé chrétien et de délégations qui lui ont rendu des visites de courtoisie au cours des deux dernières décennies. Telle est la bénédiction de la coexistence interreligieuse pacifique dont jouit le Ghana et que, malheureusement, certains Ghanéens considèrent comme acquise. Les Ghanéens doivent savoir que la coexistence ethnique et religieuse pacifique dont ils jouissent et qu’ils semblent considérer comme acquise est très rare et constituerait un privilège inestimable pour d’autres personnes vivant dans des pays comme la RCA. Pour forger un Ghana uni, dépourvu des sentiments ethniques et religieux typiques qui déclenchent la guerre, comme on l’a vu lors du génocide rwandais et des troubles en République centrafricaine, il est extrêmement important de continuer à nourrir l’environnement favorable qui prévaut au Ghana jusqu’à un stade de maturité où sa fragilité cédera la place à la solidité et à la résilience. Et pour y parvenir, l’autosatisfaction et le manque apparent de respect et d’appréciation de l’immense privilège que cela représente doivent disparaître et faire place à un effort conscient, délibéré et intentionnel de la part de chaque Ghanéen pour concrétiser les progrès réalisés jusqu’à présent dans ce domaine.