Introduction
Lorsque le Ghana est confronté à une tragédie nationale, qu’il s’agisse d’une crise sanitaire, d’un incident sécuritaire ou d’une catastrophe naturelle, le pays a plus que jamais besoin d’informations fiables. Pourtant, c’est précisément dans ces moments-là que le pays est confronté à une autre épidémie qui incarne la propagation rapide et à grande échelle de rapports erronés, invérifiables et de fausses informations. Grâce aux progrès des médias sociaux et des plateformes numériques, la désinformation, les demi-vérités et les mensonges purs et simples se propagent beaucoup plus rapidement que les faits vérifiés et touchent souvent un public plus large. L' »infodémie » n’est pas seulement préjudiciable pour répondre à la crise, mais elle a aussi de réelles implications sécuritaires, sanitaires et sociales pour les citoyens et les institutions concernés.
La rapidité et l’ampleur de la désinformation
Les fausses informations circulent plus rapidement que les informations vérifiées et sont plus souvent crues en période de fortes émotions et d’incertitude. Ce phénomène est plus évident au Ghana en raison des habitudes de création de mythes et de rumeurs sur les plateformes traditionnelles et numériques et dans les contextes informels. En raison de l’aspect multidimensionnel de la désinformation, les chercheurs ont inventé le terme d' »écosystème médiatique stratifié complexe », qui suppose que les informations numériques sont transformées et déplacées vers des contextes informels dans des espaces d’interaction sociale tels que les marchés, les lieux de culte et même les rassemblements sociaux. En substance, l’information est reconditionnée à mesure qu’elle est diffusée sous une multitude de formes qui la rendent très difficile à corriger par une autorité de bonne volonté une fois qu’elle a dépassé la première itération de reconditionnement.
Les origines, la transmission et le traitement du COVID-19 pendant la pandémie ont fait l’objet de nombreux mythes. L’un des mythes les plus tenaces était que les Africains noirs étaient immunisés contre la maladie, ou qu’il existait des mécanismes de protection spécifiques dus à un climat plus chaud dans la région, des affirmations qui ont circulé et ont été acceptées dans les premiers jours de la pandémie, alors qu’elles ne reposaient sur aucune base scientifique. Ce problème n’est pas seulement dû à l’émergence de faussetés, mais aussi, dans d’autres cas, à des idées qui circulent lorsque des incidents se produisent, comme l’illustre le récent crash d’un hélicoptère transportant des hauts fonctionnaires et des militaires, et qui suscite dans l’opinion publique des réflexions sur des causes obscures, des victimes et d’autres informations sensibles, étayées davantage par des spéculations que par des mises à jour officielles.
Pourquoi les fausses informations circulent-elles plus vite que les faits ?
C’est le résultat de plusieurs facteurs interdépendants qui expliquent pourquoi les rumeurs reçoivent si peu, et sont capables de se déplacer relativement rapidement au Ghana pendant les périodes d’urgence nationale :
- Intensité émotionnelle et incertitude
Lorsque des tragédies se produisent, il y a un état interne d’anxiété et de peur et un désir impérieux d’obtenir des réponses. Dans ce contexte, les affirmations émotionnelles qui ajoutent des éléments de faits sensationnels attirent l’attention et sont susceptibles d’être évoquées, même si elles sont incertaines.
- Littératies numériques et faibles médias
Bien que la pénétration de la téléphonie mobile et l’utilisation de l’internet soient élevées, les formes de culture numérique et d’utilisation critique des médias sont inégales, ce qui permet à de nombreux Ghanéens de croire aux rumeurs et de s’y engager, en particulier dans les zones rurales, où les médias traditionnels dominent les flux d’informations.
- Réseaux de confiance sociaux et culturels
Les gens font davantage confiance aux informations communiquées par leurs pairs, leurs proches ou un membre influent de leur communauté qu’aux annonces officielles. Les croyances traditionnelles, les allégeances politiques et les chefs religieux contribuent parfois à accroître la réceptivité à la désinformation, en particulier, du moins le pensent-ils, lorsque les récits correspondent à leur vision du monde.
- Le cadrage médiatique et l’intérêt politique
La couverture médiatique sensationnaliste et les récits politisés peuvent créer de la désinformation à des fins partisanes ou simplement être une fonction de la nature compétitive de la diffusion d’un événement, quelle qu’en soit l’exactitude.
- Tirez parti de la technologie et de la viralité.
Les médias sociaux, les groupes WhatsApp et les vidéos virales facilitent l’évolution rapide des récits. Il faut souvent plus de temps pour corriger une fausse affirmation et si l’histoire est largement diffusée, la fausse information a un énorme retentissement.
Le coût caché
Les conséquences de la poursuite de cette épidémie parallèle sont profondes. Les fausses informations peuvent favoriser la stigmatisation, en rejetant non seulement la personne touchée, mais aussi sa famille. Ces fausses informations peuvent exacerber la fragmentation politique ou le sectarisme fondé sur des intérêts, inciter à la violence ou discréditer les autorités légitimes, ce qui peut entraver le travail des équipes de secours, de sécurité et de soins de santé.
En outre, la désinformation peut affaiblir la confiance du public dans les médias et les institutions à long terme, en favorisant une population qui peut être moins disposée à tenir compte des messages critiques de conformité dans les situations d’urgence pour les soins ou la protection. Au Ghana et dans d’autres contextes, il a été démontré que la désinformation est associée à une sous-déclaration des cas et des décès, à un faible respect des consignes de santé publique, voire à des suicides ou à des actes de violence dus à la panique générale ou à la désignation d’un bouc émissaire.
Atténuer la montée de l’épidémie de désinformation
- Une communication de crise factuelle et transparente
Les autorités et les médias doivent donner la priorité à des mises à jour rapides, accessibles et transparentes, et chercher activement à combler leur déficit d’information afin de contrecarrer les rumeurs.
- Développer l’éducation aux médias et l’éducation numérique
Des initiatives ciblées visant à développer l’esprit critique et les compétences en matière de vérification, ainsi qu’une prise de conscience de la manière dont la désinformation se propage, permettront aux citoyens d’accéder à des informations critiques et de reconsidérer ce qu’ils lisent et ce qu’ils partagent.
- Engagement communautaire
La participation des chefs traditionnels, des chefs religieux et des personnes influentes au sein de la communauté à la diffusion de l’information a la capacité d’atteindre et de toucher les audiences locales plus facilement que la diffusion seule.
- Outils et partenariats
Investir dans la surveillance des rumeurs, les plateformes de démystification et les partenariats entre les gouvernements, les entreprises technologiques et la société civile pour repérer les faussetés susceptibles d’avoir une plus grande portée virale.
Conclusion
En période de tragédie nationale, le Ghana n’est pas confronté à une seule crise, mais à deux : l’événement lui-même et l’épidémie de désinformation. Comme l’a montré l’expérience du Ghana lors de la récente crise sanitaire, les catastrophes, les incidents de sécurité, les nouvelles et les fausses informations se propagent plus vite et plus loin que les faits et, en temps réel, peuvent rationaliser les croyances, les comportements et même la prise de décision en matière de sécurité publique. Pour y remédier, il faudra investir dans la technologie, l’éducation, l’engagement communautaire et la réforme. Toutefois, un changement et une réforme durables nécessiteront un engagement permanent en faveur de la transparence, de la responsabilité, de la vérité, de la cohésion sociale et de la solidarité. En fin de compte, la sécurité d’une nation dépend des informations auxquelles les citoyens font confiance, ainsi que des faits eux-mêmes.