L’Afrique reste l’épicentre du terrorisme mondial, l’Afrique subsaharienne représentant 59 % de tous les décès liés au terrorisme dans le monde. Il est nécessaire de renforcer les initiatives de lutte contre le terrorisme en tenant compte de l’interconnexion entre la sécurité, le développement et les droits de l’homme. Pour la seule année 2024, le Centre antiterroriste de l’Union africaine a enregistré plus de 3 400 attaques sur le continent, qui ont fait plus de 13 900 morts (Nations unies, 2025). Différents groupes terroristes opérant en divers endroits du continent sont responsables de ces attaques.
Les groupes terroristes les plus importants en Afrique sont les suivants :
1. Jama’at Nasr al-Islam wal Muslimin (JNIM) : Formé en 2017, le JNIM est une coalition de plusieurs groupes djihadistes, dont Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), Ansar Dine, le Front de libération du Macina et Al-Mourabitoun. Il est affilié à Al-Qaïda et opère principalement au Mali, au Burkina Faso et au Niger.
2. L’État islamique dans le Grand Sahara (ISGS) : Ce groupe est apparu en 2015 après s’être séparé d’al-Mourabitoun et avoir prêté allégeance à l’État islamique (ISIS). L’ISGS opère principalement dans les zones frontalières du Mali, du Burkina Faso et du Niger et est connu pour ses attaques brutales contre des cibles civiles et militaires.
3. Boko Haram : initialement basé au Nigeria, Boko Haram a étendu ses opérations au Sahel, en particulier au Niger et au Tchad. Le groupe est tristement célèbre pour son insurrection violente visant à établir un État islamique dans la région.
4. Ansaroul Islam : Ce groupe, basé au Burkina Faso, a été fondé par Malam Ibrahim Dicko en 2016. Il est responsable de nombreuses attaques dans le nord du Burkina Faso.
5. Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) : Bien que faisant partie du JNIM, l’AQMI continue d’opérer en tant qu’entité distincte. Il a une longue histoire dans la région, se livrant à des enlèvements, des attentats à la bombe et d’autres activités terroristes.
6. Katiba Macina (Front de libération du Macina) : Dirigé par Amadou Koufa, ce groupe opère principalement dans le centre du Mali. Il fait partie du JNIM et a été impliqué dans de nombreuses attaques contre les forces maliennes et internationales.
Pauvreté
L’Afrique est en proie à une extrême pauvreté, des millions de personnes n’ayant pas accès aux besoins et aux équipements de base. La majorité des cas de pauvreté sont dus au chômage, en particulier chez les jeunes. Les terroristes profitent de cette situation pour proposer aux jeunes chômeurs des offres qu’il est souvent difficile de rejeter, compte tenu de leurs conditions de vie. Dans ces conditions, les groupes terroristes n’ont aucun mal à recruter des individus vulnérables, en leur offrant des incitations financières, un but à atteindre et la promesse d’une vie meilleure. Par exemple, Boko Haram a exploité la pauvreté dans le nord du Nigeria en offrant de petites sommes d’argent et de la nourriture à des familles démunies en échange de leur loyauté envers le groupe.
Avec la montée en flèche des taux de chômage dans de nombreux pays africains, les jeunes désabusés deviennent des cibles faciles pour la radicalisation. Un rapport 2024 de l’Union africaine souligne que plus de 60 % de la population africaine est âgée de moins de 25 ans et que, faute d’emplois intéressants, cette population devient une bombe à retardement pour le recrutement d’extrémistes.
Au Ghana, le manque d’accès à des opportunités économiques significatives a créé des défis, en particulier dans le secteur minier. L’exploitation minière illégale est devenue un défi majeur pour l’environnement, la sécurité et la santé de la nation, car les rivières et les plans d’eau sont pollués par des jeunes valides qui prétendent ne pas avoir d’autres opportunités.
Changement climatique
Les moyens de subsistance de millions d’Africains sont étroitement liés à l’agriculture, à l’élevage et à la pêche. Cependant, le changement climatique perturbe ces modes de vie établis. Les longues périodes de sécheresse dans des régions telles que le Sahel ont entraîné d’importantes pénuries d’eau et la désertification, poussant les communautés à se disputer des ressources qui s’amenuisent. Cette rivalité dégénère souvent en conflit, que les groupes terroristes utilisent à leur avantage pour élargir leur champ d’action.
Dans le nord du Nigeria, par exemple, des groupes comme Boko Haram ont tiré parti du désespoir des communautés touchées par la dégradation de l’environnement, en leur offrant de la nourriture ou la sécurité en échange de leur recrutement. La manipulation stratégique des griefs locaux par ces groupes met en évidence la manière dont les vulnérabilités induites par le climat peuvent être exploitées pour favoriser la radicalisation (CISA, 2025).
En outre, le bassin du lac Tchad, qui était autrefois un écosystème prospère, a diminué de 90 % au cours des dernières décennies en raison du changement climatique. Cela a perturbé les moyens de subsistance de millions de personnes qui dépendent de la pêche et de l’agriculture, poussant beaucoup d’entre elles dans les bras de Boko Haram (Programme des Nations unies pour le développement, 2024). Le lien entre le changement climatique et le terrorisme est clair : la dégradation de l’environnement exacerbe la pauvreté et les déplacements, créant des conditions que les groupes extrémistes exploitent pour étendre leur influence.
Faible gouvernance
La faiblesse des institutions gouvernementales et l’instabilité politique dans plusieurs pays d’Afrique créent un important déficit de sécurité qui facilite la prolifération des armes parmi les groupes d’insurgés.
Les groupes terroristes se positionnent souvent comme des alternatives aux gouvernements corrompus, prétendant faire respecter la justice et répondre aux besoins des communautés marginalisées (ACSRT, 2024). Par exemple, en Somalie, le gouvernement central faible a lutté pour maintenir son contrôle sur de grandes parties du pays, ce qui a permis à Al-Shabaab d’établir des structures de gouvernance parallèles dans les zones rurales. Ces structures fournissent des services de base et appliquent la charia, gagnant ainsi le soutien des populations locales (International Crisis Group, 2024). Si l’on ne s’attaque pas aux défaillances de la gouvernance en Afrique, tous les efforts déployés pour lutter contre le terrorisme s’avéreront inefficaces.
Même dans les États qui semblent avoir mis en place des structures de gouvernance, des défis importants subsistent en ce qui concerne l’application de la loi. La persistance de l’exploitation minière illégale dans de nombreuses régions d’Afrique de l’Ouest témoigne de l’absence de capacité à contrôler les territoires ou à maintenir l’État de droit.
Corruption et utilisation abusive des ressources
Dans de nombreuses régions du continent, les cas de corruption et de mauvaise utilisation des ressources sapent constamment la confiance des citoyens dans les institutions publiques. La colère de la population se manifeste de plus en plus par des violences lors des élections et des manifestations. Ces sentiments sont exploités par les terroristes pour recruter, en particulier les jeunes, qui sont attirés par leurs promesses d’une vie meilleure.
La voie à suivre : S’attaquer aux causes profondes
Pour lutter efficacement contre le terrorisme en Afrique, il est nécessaire d’adopter une approche globale qui tienne compte des défis interconnectés que sont la pauvreté, le changement climatique et la gouvernance. Pour ce faire, il faut
1. Investir dans le développement économique : La création d’emplois, l’amélioration de l’éducation et la fourniture de services sociaux peuvent réduire l’attrait des groupes extrémistes.
2. Renforcer la résilience climatique : Le soutien à l’agriculture durable, à la gestion de l’eau et à la préparation aux catastrophes peut atténuer les effets du changement climatique.
3. Renforcer la gouvernance : La promotion de la transparence, de la responsabilité et de l’État de droit peut restaurer la confiance du public dans les gouvernements et réduire l’attrait des idéologies extrémistes.
4. Garantir la transparence et l’engagement auprès du public : Dans de nombreux pays africains, le gouvernement est perçu comme très éloigné de la population et n’est donc pas visible. Un engagement régulier avec le public par le biais d’une interaction régulière offre la possibilité d’échanger des idées.
Conclusion
La gestion de la gouvernance et les réponses apportées aux défis susmentionnés au fil des ans ont donné un caractère sécuritaire aux approches de lutte contre le terrorisme sur le continent. Bien que les stratégies militaires puissent être justifiées dans des situations de combat, il est prouvé qu’elles ne sont pas suffisantes et que, dans la plupart des cas, elles ont aggravé la situation. Des solutions plus pratiques et durables doivent être axées sur des mesures préventives. Aucun pays actuellement dans l’œil du cyclone du terrorisme et de l’extrémisme violent ne peut s’affranchir de la menace par des » balles » (AUCT, 2024). La lutte contre le terrorisme en Afrique n’est pas seulement une bataille militaire ; c’est une lutte pour le développement, la justice et la résilience. En s’attaquant aux causes profondes, la communauté internationale et les nations africaines peuvent travailler ensemble pour construire un avenir plus sûr et plus prospère pour le continent. Il est toutefois impératif que les nations africaines se considèrent comme les premières responsables de la fin du terrorisme. Elles doivent d’abord développer des approches locales et une feuille de route à laquelle la communauté internationale peut adhérer pour les aider à relever le défi.
Références
Centre africain pour l’étude et la recherche sur le terrorisme. (2024). Le rôle de la gouvernance dans la lutte contre le terrorisme en Afrique. Extrait de https://www.acsrt-au.org
Centre de lutte contre le terrorisme de l’Union africaine. (2024). Le Bulletin trimestriel sur le terrorisme en Afrique (Qatb). Édition 008
Centre for Intelligence & Security Analysis Ghana. (2025). Les nouvelles lignes de front : Le changement climatique comme catalyseur du terrorisme en Afrique. https://cisanewsletter.com/index.php/the-new-frontlines-climate-change-as-a-catalyst-for-terrorism-in-africa/
Institut d’études de sécurité. (2024). Pauvreté et terrorisme en Afrique : A Deadly Nexus. Extrait de https://www.issafrica.org
International Crisis Group. (2024). Changement climatique et conflit au Sahel. Extrait de https://www.crisisgroup.org
Nations Unies. (2025). L’Afrique reste l’épicentre du terrorisme mondial. Tiré de https://press.un.org
Nations Unies. (2025). Avec le terrorisme au « point de basculement » en Afrique, les intervenants du Conseil de sécurité appellent à un développement piloté. Consulté sur https://press.un.org/en/2025/sc15971.doc.htm#:~:text=Africa%20remains%20the%20epicentre%20of,address%20the%20interconnected%20relationship%20among
Programme des Nations Unies pour le développement. (2024). Changement climatique et sécurité dans le bassin du lac Tchad. Extrait de https://www.undp.org