Introduction
La traite des êtres humains est devenue une forme moderne d’esclavage impliquant l’exploitation d’individus par la force, la fraude ou la coercition à des fins de travail ou d’exploitation sexuelle (Lee, 2010 ; Méndez, 2015). La traite des êtres humains se présente sous de nombreuses formes, telles que le trafic sexuel, le trafic de main-d’œuvre, le trafic d’organes, le travail des enfants, la servitude pour dettes, le mariage forcé, entre autres (Département d’État des États-Unis, 2024 ; Bureau international du travail, 2005). Ces crimes odieux dépassent les frontières, violant les droits humains fondamentaux et constituant une menace importante pour la sécurité nationale. La nature insidieuse de la traite réside dans sa capacité à opérer dans l’ombre, à exploiter les populations vulnérables et à saper l’État de droit (Shavers, 2012 ; Locke, 2012 ; Shelley, 2010).
Le rapport sur la traite des personnes a identifié 944 victimes de la traite (dont 123 victimes de la traite sexuelle et 821 victimes de la traite du travail) en 2023, et 574 victimes en 2022. La majorité des victimes identifiées étaient des femmes et des enfants (505). La plupart des victimes identifiées étaient également des Ghanéens (616). Parmi les 123 ressortissants étrangers, les autres victimes identifiées étaient originaires du Nigeria, du Liberia, de la Sierra Leone et du Viêt Nam. Les ONG ont identifié 145 autres victimes de la traite, dont 139 victimes de la traite du travail et six victimes de la traite sexuelle (United States Department of State, 2023).
La sécurité nationale va au-delà des menaces militaires traditionnelles. Elle englobe la protection des citoyens, des infrastructures et des institutions d’une nation contre les dangers internes et externes (Hirsch Ballin et al., 2022 ; Wu, 2024). La traite des êtres humains remet directement en cause ces piliers de la sécurité. Elle érode la cohésion sociale, alimente la criminalité transnationale et affaiblit la capacité de l’État à protéger ses populations les plus vulnérables (Ampah & Kandilige, 2023 ; Ondieki, 2017). La normalisation de l’exploitation au sein d’une société engendre une culture de l’impunité, qui peut enhardir d’autres éléments criminels et déstabiliser les communautés. En outre, les profits générés par la traite financent souvent d’autres activités illicites, notamment la criminalité organisée, le terrorisme et la corruption, ce qui compromet encore davantage la sécurité nationale. Cet article explore la relation complexe entre la traite des êtres humains et la sécurité nationale, en examinant ses causes, ses effets, sa prévention et les interventions nécessaires.
La technique
Les trafiquants exploitent les enfants vulnérables par le biais du travail forcé dans divers secteurs, de la pêche au service domestique en passant par l’exploitation minière et l’agriculture (Kiss & Zimmerman, 2019). Par exemple, ils s’attaquent aux filles et aux femmes en leur promettant des emplois lucratifs, mais les forcent à se prostituer pour régler des dettes exagérées (Abiodun, 2023). Ces victimes peuvent ensuite être transportées au Moyen-Orient, en Europe ou ailleurs en Afrique de l’Ouest pour y être davantage exploitées (De Jong & Stewart, 2019). Les trafiquants utilisent des méthodes de recrutement manipulatrices, falsifient les contrats, confisquent les passeports et infligent des violences physiques et sexuelles. Ces crimes sont perpétrés par un réseau d’agents, comprenant parfois des fonctionnaires aéroportuaires corrompus, et, fait choquant, par des personnes proches des victimes, telles que des membres de la famille et des employeurs.
Les racines de l’exploitation
Il est essentiel de comprendre les causes de la traite des êtres humains pour élaborer des stratégies de prévention efficaces. Ces causes sont complexes et multiformes, souvent liées à des disparités socio-économiques, à l’instabilité politique et à des normes culturelles.
- Pauvreté et inégalité économique : Le désespoir économique crée un terrain fertile pour les trafiquants qui s’attaquent aux personnes à la recherche de meilleures opportunités. Dans de nombreux pays en développement comme le Ghana, l’accès limité à l’éducation, à l’emploi et aux produits de première nécessité contraint les individus à se placer dans ces situations de vulnérabilité, et la plupart de ces victimes sont des femmes et des enfants en raison de l’inégalité des sexes et de la discrimination. De plus, les normes culturelles qui tolèrent la violence à l’égard des femmes et des filles contribuent à leur vulnérabilité.
- Instabilité politique et conflits : Les conflits armés, les catastrophes naturelles et l’instabilité politique ont déplacé les populations, ce qui en fait des cibles faciles pour les trafiquants. Les réfugiés et les personnes déplacées à l’intérieur de leur pays sont particulièrement vulnérables en raison de leurs conditions de vie précaires et de l’absence de protection juridique.
- Corruption et faible gouvernance : La corruption au sein des forces de l’ordre et des institutions gouvernementales facilite les opérations de trafic. Les trafiquants soudoient souvent les fonctionnaires pour qu’ils ferment les yeux sur leurs activités, ce qui sape l’État de droit et entrave les poursuites judiciaires. Selon le rapport 2023 sur la traite des personnes, les trafiquants ont soudoyé des agents des forces de l’ordre et des contrôleurs nommés par le gouvernement et chargés d’inspecter les navires de pêche battant pavillon ghanéen pour y déceler des pratiques illégales, notamment le travail forcé. Au cours des périodes de référence précédentes, certains agents des forces de l’ordre auraient sollicité des pots-de-vin auprès de suspects et demandé aux victimes ou à la société civile de les payer pour leurs frais de transport ou de fonctionnement afin d’ouvrir des enquêtes.
- Mondialisation et technologie : Si la mondialisation a apporté des avantages économiques, elle a également facilité les mouvements transfrontaliers des trafiquants et de leurs victimes. L’internet et les plateformes de médias sociaux sont de plus en plus utilisés pour recruter et exploiter les victimes.
- La demande de main-d’œuvre bon marché et de sexe tarifé : La demande de main-d’œuvre bon marché dans des secteurs tels que l’agriculture, la construction et le travail domestique, ainsi que la demande de sexe tarifé, alimentent l’industrie de la traite des êtres humains.
L’IMPACT SUR LA SÉCURITÉ NATIONALE
L’impact de la traite des êtres humains s’étend bien au-delà des victimes individuelles, affectant la stabilité et la sécurité de nations entières.
- Érosion de la cohésion sociale : La traite des êtres humains sape la confiance et la cohésion sociales en créant un climat de peur et d’insécurité. Les communautés où la traite est répandue connaissent souvent une augmentation des taux de criminalité, de la violence et de l’agitation sociale.
- Alimente la criminalité transnationale organisée : La traite est souvent liée à d’autres activités criminelles transnationales, telles que le trafic de drogue, la contrebande d’armes et le blanchiment d’argent. Les profits générés par le trafic financent ces opérations illicites, renforçant ainsi les réseaux de criminalité organisée.
- Compromettre la sécurité des frontières : Les trafiquants exploitent la porosité des frontières et la faiblesse des contrôles frontaliers pour faire passer les victimes d’un pays à l’autre. Cela compromet la sécurité des frontières et facilite la circulation d’autres biens et individus illicites.
- Risques pour la santé publique : Les victimes de la traite sont souvent soumises à des conditions de vie insalubres et dangereuses, ce qui accroît le risque de contracter des maladies infectieuses et constitue un risque pour la santé publique, tant pour les victimes que pour l’ensemble de la communauté.
Stratégies de prévention
Pour être efficaces, les stratégies de prévention nécessitent une approche multidimensionnelle impliquant les gouvernements, les organisations de la société civile et la coopération internationale.
- Renforcer l’application de la loi et les systèmes judiciaires : Les gouvernements doivent investir dans la formation des forces de l’ordre et du personnel judiciaire afin qu’ils puissent enquêter efficacement sur les cas de traite et engager des poursuites. Il s’agit notamment de renforcer leur capacité à identifier les victimes, à recueillir des preuves et à protéger les témoins.
- Lutter contre les disparités socio-économiques : Il est essentiel de s’attaquer à la pauvreté, aux inégalités et au manque d’opportunités pour prévenir la traite des êtres humains. Il s’agit notamment d’investir dans l’éducation, la formation professionnelle et les programmes de développement économique.
- Lutte contre la corruption : Les gouvernements doivent mettre en œuvre des mesures pour lutter contre la corruption au sein des forces de l’ordre et des institutions gouvernementales. Il s’agit notamment de renforcer les lois anti-corruption, d’accroître la transparence et de promouvoir l’obligation de rendre des comptes.
- Sensibilisation du public : Les campagnes de sensibilisation du public peuvent éduquer les individus sur les dangers de la traite et leur donner les moyens de reconnaître et de signaler les cas suspects. Le gouvernement, en collaboration avec les ONG et les organisations internationales, doit dispenser une formation approfondie et sensibiliser le public aux forces de l’ordre, aux fonctionnaires de justice, aux travailleurs sociaux, aux prestataires de services, aux forces de l’ordre, aux acteurs de la société civile et aux dirigeants des communautés.
- Protection des populations vulnérables : Une attention particulière doit être accordée à la protection des populations vulnérables, telles que les réfugiés, les personnes déplacées à l’intérieur du pays et les mineurs non accompagnés. Il s’agit notamment de leur donner accès à l’éducation, à un logement sûr, à une assistance juridique et à des services sociaux.
- Coopération internationale : La traite des êtres humains est un crime transnational qui nécessite une coopération internationale. Les gouvernements doivent travailler ensemble pour partager les informations, coordonner les enquêtes et extrader les trafiquants.
Recommandations et interventions
Les interventions doivent donner la priorité aux besoins des victimes, en leur apportant un soutien complet pour reconstruire leur vie. Le rapport 2023 du Ghana sur la traite des êtres humains contient des recommandations sur la manière de gérer ce phénomène.
a. Intensifier les efforts pour prévenir l’exploitation des travailleurs ghanéens à l’étranger en mettant fin à l’interdiction de la migration de la main-d’œuvre vers les pays du Golfe, en mettant en œuvre la politique nationale de migration de la main-d’œuvre pour 2020 et en veillant à ce que les travailleurs ne paient pas de frais de recrutement.
b. Modifier les règlements d’application de 2015 de la loi de 2005 sur la traite des êtres humains afin de supprimer l’option d’une amende au lieu d’une peine d’emprisonnement dans les cas où le trafiquant est un parent ou le tuteur d’un enfant victime.
c. Mettre pleinement en œuvre les procédures opérationnelles standard et former les fonctionnaires de première ligne à leur utilisation afin de détecter de manière proactive les indicateurs de traite parmi les populations vulnérables – notamment les femmes ghanéennes qui se rendent à l’étranger pour y travailler comme domestiques, les migrants de retour, les enfants qui travaillent, les réfugiés et les demandeurs d’asile, ainsi que les travailleurs médicaux cubains affiliés au gouvernement – et d’orienter les victimes de la traite vers des services de protection.
d. Augmenter la quantité et la qualité des soins offerts aux victimes de la traite, notamment en apportant un soutien financier et en nature à la société civile qui fournit des abris et des services aux victimes.
e. Institutionnaliser la formation des forces de l’ordre, des fonctionnaires judiciaires et du personnel du département de la protection sociale (DSW) sur la loi de 2005 relative à la traite des êtres humains et sur les techniques d’enquête et de poursuite spécialisées et tenant compte des traumatismes.
f. Améliorer les programmes d’aide aux victimes et aux témoins afin d’accroître les services de protection pour les victimes participant au processus de justice pénale.
g. Pour lutter contre la traite des êtres humains, il est essentiel de réduire la demande de personnes exploitées, en ciblant plus particulièrement celles qui paient pour des services sexuels tarifés et celles qui recourent au travail forcé. La loi ghanéenne sur la traite des êtres humains prévoit des sanctions sévères, avec un minimum de cinq ans d’emprisonnement. Si un parent ou un tuteur est impliqué, il risque une amende et/ou une peine d’emprisonnement de cinq à dix ans. Les peines générales vont de cinq à 25 ans de prison.
Conclusion
La traite des êtres humains constitue une grave menace pour la stabilité et la sécurité mondiales et exige une attention immédiate et soutenue. Pour lutter efficacement contre ce fléau, les nations doivent donner la priorité à des enquêtes et des poursuites rigoureuses à l’encontre des trafiquants, y compris les fonctionnaires corrompus et les recruteurs trompeurs, en veillant à ce que les criminels reconnus coupables soient condamnés à des peines sévères, principalement à de lourdes peines d’emprisonnement. Ce n’est que par cet engagement inébranlable en faveur de la justice et d’une action concertée que nous pourrons renforcer nos défenses contre ce crime odieux et sauvegarder les droits fondamentaux de nos citoyens.
Références :
Département d’État des États-Unis. (2022). Rapport sur la traite des personnes.
Organisation internationale pour les migrations (OIM). (2021). Collaboration sur les données relatives à la lutte contre la traite.
Abiodun, A. (2023). Nigerian teenagers trafficked to Ghana for jobs end up as prostitutes . Consulté le 21 mars 2025 sur https://thenationonlineng.net/nigerian-teenagers-traficked-to-ghana-for-jobs-end-up-as-prostitutes-gangsters/
Ampah, G. A., & Kandilige, L. (2023). Lacunes et défis dans la mise en œuvre des mécanismes internationaux, sous-régionaux et nationaux de coopération et d’orientation des victimes de la traite des personnes : Le cas du Ghana. REVUE AFRICAINE DE LA MOBILITÉ HUMAINE, 9(3). https://doi.org/10.14426/ahmr.v9i3.1332
De Jong, D. D., & Stewart, J. G. (2019). L’exploitation illicite des ressources naturelles. La Cour africaine de justice et l’homme et les peuples, 590-618. https://doi.org/10.1017/9781108525343.022
Bureau international du travail,. (2005). Traite des êtres humains et exploitation du travail forcé. OIT.
Méndez, M. (2015). Globalization and Human Trafficking (mondialisation et traite des êtres humains). International Encyclopedia of the Social & Behavioral Sciences, 206-212. https://doi.org/10.1016/b978-0-08-097086-8.64131-4
Département d’État des États-Unis, (2024). The Intersection of Forced Marriage and Human Trafficking (L’intersection du mariage forcé et de la traite des êtres humains). Office to Monitor and Combat Trafficking in Persons, 1-4.
Wu, C. (2024). Redéfinir les concepts de nation et de sécurité nationale et établir leurs modèles pour la nouvelle ère. Journal of Safety and Sustainability. https://doi.org/10.1016/j.jsasus.2024.12.002
Ondieki, J. O. (2017).La traite des êtres humains remet directement en cause ces piliers de la sécurité. Elle érode la cohésion sociale, alimente la criminalité transnationale et affaiblit la capacité de l’État à protéger ses populations les plus vulnérables (mémoire de maîtrise, Université de Nairobi).
Lee, M. (2010). Trafficking and global crime control.Sage publication
Shavers, A W. (2012) Human Trafficking, The Rule of Law, and Corporate Social Responsibility, » South Carolina Journal of International Law and Business : 9(1), Disponible sur : https://scholarcommons.sc.edu/scjilb/vol9/iss1/6
Locke, R (2012). Crime organisé, conflit et fragilité : A New Approach », New York : Institut international de la paix
Hirsch Ballin, E., Dijstelbloem, H., de Goede, P. (2020). La sécurité interconnectée : Conclusions et recommandations. In : Hirsch Ballin, E., Dijstelbloem, H., de Goede, P. (eds) Security in an Interconnected World. Research for Policy. Springer, Cham. https://doi.org/10.1007/978-3-030-37606-2_7
Kiss, L. et Zimmerman, C. (2019). La traite des êtres humains et l’exploitation du travail : Vers l’identification, la mise en œuvre et l’évaluation de réponses efficaces. PLoS medicine, 16(1), e1002740. https://doi.org/10.1371/journal.pmed.1002740