Introduction
L’environnement religieux du Ghana, en particulier sa population chrétienne dynamique, a toujours servi de forum spirituel et culturel. Toutefois, au cours des dernières décennies, on a assisté à une augmentation progressive de la désinformation religieuse, en particulier des prophéties apocalyptiques, qui ont suscité des inquiétudes quant à la désinformation, à la panique publique et aux menaces potentielles pesant sur l’intégration nationale. Les déclarations prophétiques faites par des personnalités religieuses autoproclamées, en particulier lors d « événements populaires tels que les services annuels de la 31e nuit, recoupent de plus en plus la politique, les médias numériques et l’anxiété sociale. Cet article s’interroge sur les implications de la diffusion de messages divins non vérifiés à l » ère des médias sociaux pour la confiance du public, la cohésion de la communauté et la stabilité démocratique au Ghana.
La désinformation religieuse en contexte
Le prophétisme chrétien au Ghana est devenu de plus en plus populaire, attirant de nombreuses personnes qui prétendent avoir une vision divine. Les prophéties de la 31e nuit, faites la veille du Nouvel An, sont aujourd’hui au cœur de cette tradition. Ces prophéties, souvent apocalyptiques, sont de plus en plus considérées comme de la désinformation, en particulier lorsqu’elles annoncent des catastrophes, des assassinats ou une instabilité politique.
Plusieurs personnalités religieuses ont fait la une des journaux à diverses occasions avec un large éventail de déclarations prophétiques, y compris des prophéties de 2025 qui prédisaient une croissance économique pour le Ghana. Certaines de ces déclarations sont porteuses d’espoir, tandis que d’autres créent la panique ou renforcent des récits fondés sur la peur. Cette dualité révèle la frontière ténue entre les messages d’inspiration religieuse et la désinformation qui peut fausser la perception du public.
La désinformation religieuse n’existe pas de manière isolée. Elle contribue à un écosystème plus large de désinformation déjà mis à rude épreuve par les conflits politiques et ethniques, en particulier pendant les périodes électorales. Le rapport mondial sur les risques de 2024 prévoit que si l’on n’y prend garde, la désinformation pourrait compromettre les processus démocratiques et la stabilité nationale.
Technologie, médias sociaux et diffusion de la désinformation
L’émergence de plateformes numériques telles que Facebook et X (anciennement Twitter) a facilité la diffusion de messages religieux, dont beaucoup ne sont pas vérifiés. L’abandon des vérificateurs de faits professionnels au profit d’une modération du contenu par les utilisateurs a permis aux fausses informations de se répandre plus facilement, rendant plus difficile la distinction entre une prophétie crédible et une spéculation dangereuse.
Le 31 décembre 2024, de nombreux prophètes ont prédit des changements majeurs pour le Ghana, poursuivant une tendance que les autorités ont tenté de contrôler. Le service de police du Ghana a mis en garde contre les prophéties susceptibles d’inspirer la peur au public, soulignant l’importance de la sécurité publique. Malgré ces avertissements, les événements de la 31e nuit continuent d’attirer l’attention et d’exercer une influence considérable.
Des organisations religieuses telles que le Conseil pentecôtiste et charismatique du Ghana (GPCC) ont également soutenu les efforts nationaux visant à lutter contre la désinformation, en particulier sur les questions liées à la santé publique et au développement national. Ces initiatives promeuvent une communication factuelle et visent à empêcher la manipulation des publics vulnérables.
Sécurité et impact électoral de la désinformation
La désinformation, y compris sous ses formes religieuses et politiques, constitue une menace majeure pour la sécurité nationale, en particulier en période électorale. De faux récits peuvent fausser la perception du public, alimenter les tensions entre les groupes et potentiellement provoquer des troubles. En réponse, des programmes d’éducation communautaire ont vu le jour pour enseigner aux citoyens comment détecter et contrer la désinformation avant qu’elle ne dégénère en violence.
Les élections générales de 2024 ont été marquées par un pic de prophéties religieuses, les chefs religieux locaux et internationaux ayant prédit les résultats de l’élection présidentielle. Ces prédictions comprenaient des projections de pourcentages de voix pour les candidats au pouvoir et ceux de l’opposition. Si certaines prédictions se sont alignées sur les résultats réels, d’autres ne l’ont pas fait, ce qui souligne le caractère invérifiable de ces affirmations. Dans une société très religieuse comme le Ghana, ces récits non vérifiés peuvent influencer considérablement l’opinion publique et compromettre les processus électoraux et la sécurité nationale.
La cybersécurité ajoute une nouvelle couche de complexité. La désinformation se propage par le biais de comptes de médias sociaux piratés, de plates-formes de fausses nouvelles et de contenus numériques manipulés. Cette situation exige des efforts immédiats pour renforcer la culture numérique et la sensibilisation à la protection des données. Les citoyens doivent apprendre à reconnaître les tentatives d’hameçonnage, à protéger leurs informations personnelles et à éviter la diffusion de contenus trompeurs.
Réponses communautaires et institutionnelles
La réponse du Ghana à la désinformation implique de multiples parties prenantes. Les programmes interconfessionnels menés par les communautés sont devenus des éléments essentiels de la consolidation de la paix, en particulier pendant les périodes électorales sensibles. Ces programmes promeuvent la tolérance religieuse et contribuent à empêcher la désinformation à caractère religieux de dégénérer en violence sectaire.
Le comité de dialogue interpartis (PIDC), qui comprend des représentants politiques, des membres de la société civile et des chefs religieux, joue un rôle stabilisateur essentiel. En encourageant le dialogue et en condamnant la violence politique, le PIDC réduit les risques liés à une rhétorique de campagne sensationnaliste ou polarisante.
Des institutions gouvernementales telles que la Commission nationale pour l « éducation civique (NCCE) se sont associées au PIDC pour éduquer les citoyens sur des sujets tels que l’achat de votes, la transparence électorale et l » éducation aux médias. En novembre 2024, une initiative de ce type a été lancée à Abuakwa North, avec la participation de représentants de grandes institutions religieuses, dont les églises presbytérienne et adventiste du septième jour. Ces initiatives soulignent l’importance d’informer les chefs religieux sur les limites de la communication publique. Le service de police du Ghana a également publié des déclarations publiques soulignant qu’une communication responsable contribue à prévenir les conséquences négatives des prophéties sensationnelles.
Conclusion
La désinformation religieuse au Ghana est une question complexe qui recoupe les traditions religieuses, les systèmes médiatiques, la politique et la sécurité nationale. Si la spiritualité occupe une place centrale dans la culture ghanéenne, elle ne saurait justifier la diffusion incontrôlée de prophéties sensationnelles qui déforment la réalité, incitent à la panique et sapent les institutions démocratiques.
Pour lutter efficacement contre cette menace, le Ghana doit adopter des stratégies intersectorielles combinant l’éducation communautaire, la collaboration interconfessionnelle, la culture numérique et l’application des politiques. Les chefs religieux ont la responsabilité d’exercer leur autorité spirituelle avec prudence, en veillant à ce que leurs messages n’encouragent pas la peur, la désinformation ou les conflits. La protection de la confiance du public par la véracité et la transparence doit rester une priorité nationale, en particulier à l’approche des futures élections et dans la poursuite de la transformation numérique du Ghana.
Références
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