Introduction
L’Afrique a été principalement gouvernée par des régimes autoritaires pendant la majeure partie de son histoire post-indépendance. Toutefois, la vague de démocratisation qui a déferlé sur le continent à la fin du XXe siècle a entraîné des réformes politiques importantes, notamment l’adoption de systèmes multipartites, des révisions constitutionnelles et le déclin du régime militaire.
La démocratie, définie au sens large comme un système de gouvernement dans lequel les citoyens jouent un rôle direct ou représentatif dans la prise de décision, est souvent considérée comme un pilier du développement. Selon la célèbre formule d’Abraham Lincoln, la démocratie est « le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ». Mais la démocratie se traduit-elle nécessairement par la croissance économique et le progrès social en Afrique ? Cet article examine le rôle de la démocratie dans le développement du continent et se demande si d’autres facteurs sont tout aussi importants, voire plus importants.
Qu’est-ce qui fait qu’un pays est démocratique ?
Pour qu’un pays soit considéré comme démocratique, certains principes fondamentaux doivent être respectés. Larry Diamond, politologue à l’université de Stanford, décrit quatre éléments clés d’une démocratie :
- Système permettant d’élire les représentants du gouvernement par le biais d’élections libres et équitables.
- Participation active des citoyens à la vie politique et civique.
- Protection des droits de l’homme fondamentaux.
- L’État de droit, qui garantit l’application égale des principes juridiques à tous les citoyens (Diamond, 2019).
De même, le musée de la démocratie australienne met en avant quatre principes fondamentaux de la démocratie :
- Croyance en l’individu rationnel et moral.
- Croyance en la raison et le progrès, le compromis étant au cœur de la politique.
- Un engagement en faveur d’une société consensuelle fondée sur la coopération et l’ordre.
- Un système de partage du pouvoir pour éviter la concentration de l’autorité.
Classement mondial et africain des démocraties
La démocratie est mesurée à l’aide d’indices qui évaluent les processus électoraux, la gouvernance, la participation politique, les libertés civiles et la culture politique. Selon l’indice de démocratie de l’Economist Intelligence Unit, les démocraties les mieux classées au monde sont la Norvège (9,8), la Nouvelle-Zélande (9,61) et l’Islande (9,45) (EIU, 2023).
Les démocraties africaines les mieux classées sont les suivantes :
- Maurice (8.14)
- Botswana (7.81)
- Cap Vert (7.67)
- Namibie (7.20)
- Ghana (6,95) (EIU, 2023).
À l’inverse, les pays ayant un faible score de démocratie, tels que le Tchad, le Soudan et la République centrafricaine, ont tendance à connaître l’instabilité politique et une mauvaise gouvernance.
Les avantages de la démocratie
Les partisans de la démocratie affirment qu’elle favorise l’égalité, la stabilité et la responsabilité. Les gouvernements démocratiques ont tendance à donner la priorité au bien-être public, empêchant la concentration des richesses au sein d’une petite élite. La transparence et la responsabilité électorale garantissent que les dirigeants restent attentifs aux besoins des citoyens, tandis que les médias indépendants contribuent à dénoncer la corruption et les fautes professionnelles (Freedom House, 2022).
En outre, la gouvernance démocratique est associée à une augmentation des investissements étrangers et à la stabilité économique. Des pays comme le Botswana et l’île Maurice ont bénéficié d’institutions démocratiques fortes, qui ont contribué à leur croissance économique régulière (Banque mondiale, 2023).
Le débat : Démocratie et autres modèles de gouvernance
Si la démocratie est souvent présentée comme le système idéal, certains affirment qu’elle n’est pas toujours synonyme de développement. Dans de nombreux pays africains, les transitions démocratiques ont été entachées par la violence électorale, la corruption et l’élaboration de politiques à court terme en fonction des cycles électoraux (Acemoglu & Robinson, 2019).
À l’inverse, certains régimes autoritaires, comme le Rwanda et l’Éthiopie (sous Meles Zenawi), ont connu une croissance économique et un développement des infrastructures rapides malgré des libertés politiques limitées. Des pays comme la Guinée équatoriale et l’Algérie, bien qu’autoritaires, maintiennent des taux de pauvreté relativement faibles (Banque mondiale, 2023).
Autocratie et stabilité
Une étude du Centre d’études stratégiques pour l’Afrique (2021) a montré que les gouvernements autocratiques sont plus susceptibles de connaître l’instabilité. Les principales conclusions sont les suivantes :
- Les trois quarts des pays africains en proie à des conflits armés sont des régimes autocratiques.
- Les États autocratiques manquent souvent de légitimité et de responsabilité, ce qui contribue aux troubles civils.
- La majorité des nations africaines les plus touchées par l’insécurité alimentaire et les conflits sont des régimes autocratiques (Centre d’études stratégiques de l’Afrique, 2021).
Démocratie et développement : Le verdict
Des pays comme l’île Maurice, le Botswana et l’Afrique du Sud démontrent que la démocratie peut favoriser la croissance économique lorsqu’elle est associée à des institutions et à une gouvernance solides. Toutefois, d’autres facteurs tels que la responsabilité, les mesures de lutte contre la corruption et un leadership efficace jouent un rôle tout aussi crucial dans la détermination de la trajectoire de développement d’une nation.
Il ne fait aucun doute que la démocratie peut jouer un rôle important dans le développement de l’Afrique, mais son impact dépend de la manière dont elle est pratiquée. Lorsqu’elle fonctionne efficacement, la démocratie peut contribuer à créer un environnement propice à la croissance, à la stabilité et à l’intégration, autant d’éléments importants pour le développement. Toutefois, le bon fonctionnement de la démocratie dans certains contextes pose des problèmes. La monétisation croissante du processus de sélection au niveau des partis politiques, l’incitation des électeurs à recevoir de l’argent et le camping des délégués des partis laissent beaucoup à désirer. De plus en plus, ces actions tendent à obscurcir les processus démocratiques, et le comportement des fantassins lorsque leur parti remporte les élections est particulièrement préoccupant. La polarisation politique croissante qui conduit à l’affaiblissement des institutions clés du gouvernement reste un défi. L’égalité économique, la stabilité politique et la croissance inclusive sont fondamentales pour l’avenir.
En fin de compte, la démocratie ne constitue pas à elle seule une solution miracle pour relever les défis de l’Afrique. L’accent doit être mis sur la mise en place d’institutions solides, sur l’application de l’État de droit et sur la promotion de la bonne gouvernance, quel que soit le système politique en place.
Références
- Acemoglu, D. et Robinson, J. (2019). Pourquoi les nations échouent : Les origines du pouvoir, de la prospérité et de la pauvreté.
- Centre africain d’études stratégiques (2021). « Autocratie et instabilité en Afrique ».
- Diamond, L. (2019). La démocratie en déclin ? Stanford University Press.
- Economist Intelligence Unit (2023). Indice de démocratie.
- Freedom House (2022). Rapport sur la liberté dans le monde.
- Banque mondiale (2023). Indicateurs du développement dans le monde.