Le paysage de la sécurité en Afrique se caractérise par une diversification rapide des partenariats militaires. Alors qu’autrefois quelques nations détenaient un quasi-monopole sur la formation et l’assistance à l’étranger, les forces armées africaines s’engagent aujourd’hui avec un large éventail de partenaires, y compris des alliés occidentaux traditionnels, ainsi que des acteurs émergents d’Asie et d’Eurasie. Cette évolution constitue une occasion unique de renforcer les capacités, mais elle présente également un risque stratégique important que les armées africaines doivent activement atténuer : le risque de division interne et de désalignement stratégique motivé par des rivalités géopolitiques extérieures.
L’impératif immédiat pour les dirigeants militaires africains est d’empêcher que cette diversification ne devienne une source de vulnérabilité. Lorsque des officiers, formés dans différentes académies étrangères et exposés à des doctrines variées, commencent à considérer leurs collègues avec méfiance – ou, pire, à s’aligner au sein de la structure de commandement locale sur la base de l’affiliation géopolitique perçue de leur partenaire de formation étranger -, ils compromettent la cohésion fondamentale et l’unité d’objectif de leur force nationale. Il s’agit là d’une adoption inutile et autodestructrice de différends géopolitiques étrangers, qui détourne l’attention et les ressources institutionnelles des défis pressants en matière de sécurité intérieure.
Le multiplicateur de force de la diversité doctrinale
Les armées africaines doivent considérer la formation à l’étranger non pas comme une relation d’affiliation exclusive, mais comme une stratégie d’approvisionnement avancée en connaissances militaires. La valeur stratégique de l’engagement de partenaires multiples réside précisément dans l’étendue de l’expérience et de la doctrine qu’ils offrent.
Une armée formée uniquement dans un cadre institutionnel unique risque de développer une approche monolithique et inflexible des problèmes de sécurité complexes, qui sont par nature multiformes et exigent des solutions adaptatives. En revanche, une armée dont le personnel est exposé à.. :
- Logistique occidentale et professionnalisation : Fournir un contrôle institutionnel solide et des capacités de soutien expéditionnaire.
- Ingénierie des partenaires émergents et tactiques de contre-insurrection : Proposer des modèles alternatifs pour la sécurité des infrastructures ou une guerre asymétrique économe en ressources.
- Meilleures pratiques régionales : Veiller à ce que la doctrine reste ancrée dans le contexte local et la réalité politique.
Une telle force bénéficie d’un puissant avantage concurrentiel. La diversité des perspectives devient un multiplicateur de force, permettant aux commandants d’agréger, de filtrer et de synthétiser ces leçons mondiales variées en une doctrine nationale consolidée, localement pertinente et solide. Ce processus transforme les armées africaines de bénéficiaires passifs de l’aide étrangère en consommateurs actifs et perspicaces de connaissances militaires mondiales.
Réorientation : Un mandat pour l’intégration stratégique
Pour profiter des avantages d’une formation diversifiée sans subir le coût de l’influence étrangère, les armées africaines ont besoin d’un processus d’intégration structuré et obligatoire, axé sur deux leviers politiques fondamentaux :
- Examen préalable à la formation et définition des objectifs :
Avant qu’un officier ne parte pour un stage à l’étranger, le commandement militaire doit définir clairement les compétences stratégiques, tactiques ou techniques que la nation attend de cet officier. Cet examen fait de la formation à l’étranger une mission ciblée, et non une récompense ou une affectation politique, ce qui permet à l’officier de rester concentré sur les objectifs nationaux.
- Réorientation post-formation et consolidation de la doctrine :
À son retour, un mécanisme formel – tel qu’un « séminaire d’intégration de la doctrine » ou un « commandement des enseignements tirés » – doit être mis en place. Ce mécanisme remplit trois fonctions essentielles :
- Dé-risquer les préjugés étrangers : l’officier de retour au pays doit présenter, critiquer et dépolitiser la doctrine étrangère, en identifiant activement les aspects qui entrent en conflit avec la culture ou le cadre stratégique national.
- Transfert de connaissances : Les compétences et les connaissances acquises doivent être formellement codifiées et diffusées dans l’ensemble du service, et non pas cloisonnées au sein d’une personne ou d’une faction.
- Réorientation vers le cadre local : L’objectif final est de réorienter l’officier vers la mission spécifique et locale de l’armée africaine. La valeur de l’officier ne réside pas dans sa maîtrise de la langue d’un partenaire étranger ou des coutumes militaires, mais dans sa capacité à traduire les meilleurs concepts dans l’environnement opérationnel national.
En appliquant rigoureusement ce processus d’intégration et de réorientation, les armées africaines peuvent exploiter avec succès le réseau mondial de partenaires de formation – occidentaux, orientaux ou autres – pour renforcer la résilience, améliorer le professionnalisme et consolider leur autonomie stratégique non alignée, en veillant à ce que leur objectif reste clairement la sécurité et le développement du continent.
Références
1. https://africacenter.org/spotlight/china-influence-africa-security-engagements/
4. https://africacenter.org/spotlight/militarization-china-africa-policy/



























