Introduction : Le carrefour de la citoyenneté, de l’allégeance et de la sécurité nationale
Dans un monde de plus en plus interconnecté, le concept de citoyenneté a évolué au-delà de la simple affiliation nationale, la double nationalité devenant une réalité commune pour de nombreux individus. Ce phénomène mondial introduit toutefois des complexités, en particulier lorsqu’il croise les intérêts de la sécurité nationale et l’intégrité du service public.
Le contexte ghanéen constitue une étude de cas convaincante, marquée par une tendance notable de l’élite ghanéenne – y compris les hauts fonctionnaires, les hommes politiques et les personnes fortunées – à faciliter la naissance de leurs enfants dans des pays étrangers, principalement dans les pays du Nord. Cette pratique, souvent appelée « tourisme de naissance », est motivée par les avantages perçus que ces enfants tireront de la citoyenneté étrangère, tels qu’une plus grande mobilité et un meilleur accès aux opportunités. La population ghanéenne craint que cette tendance n’entraîne une divergence d’intérêts, les fonctionnaires dont les enfants possèdent une nationalité étrangère pouvant prendre des décisions qui ne sont pas totalement conformes à l’intérêt national du Ghana. Cette préoccupation est particulièrement aiguë dans des domaines sensibles tels que la sécurité, la politique étrangère et le système judiciaire, où la question se pose de savoir quelle est l’allégeance ultime de ces fonctionnaires, ou de leurs enfants dans des rôles stratégiques.
Définir l’allégeance et la citoyenneté
Pour examiner en profondeur les implications de la double nationalité en matière de sécurité, il est essentiel d’établir un cadre conceptuel clair pour l’allégeance et la citoyenneté, en les distinguant de termes connexes tels que la loyauté.
L’allégeance : Un concept aux multiples facettes
L’allégeance est un concept fondamental dans la relation entre un individu et un État. Juridiquement et politiquement, elle est définie comme « la fidélité due par un sujet ou un citoyen à un souverain ou à un gouvernement ».1 Cette obligation de « fidélité et d’obéissance » est rendue par un individu en échange de la protection reçue de l’autorité gouvernante.2 Pour un citoyen, cette obligation est typiquement considérée comme « absolue et permanente », du moins jusqu’à ce qu’il y renonce explicitement. Pour un étranger résidant dans un pays, l’allégeance due est « locale et temporaire » et ne dure que le temps de sa résidence.2
Au-delà de sa stricte définition juridique, l’allégeance recouvre également des dimensions sociologiques et morales plus larges. Elle signifie « dévouement ou loyauté à l’égard d’une personne, d’un groupe ou d’une cause ».1 Des synonymes tels que engagement, dévouement, dévotion et fidélité soulignent ses aspects plus profonds, souvent émotionnels et psychologiques. Bien qu’elle soit souvent utilisée de manière interchangeable, la loyauté implique une « fidélité inébranlable face à toute tentation de renoncement, de désertion ou de trahison », tandis que l’allégeance « suggère spécifiquement une adhésion comme celle des citoyens à leur pays ».1
L’idéal d’une allégeance singulière et sans partage est illustré de manière frappante dans les serments de citoyenneté. Par exemple, le serment d’allégeance des États-Unis exige des citoyens naturalisés qu’ils « renoncent absolument et entièrement à toute allégeance et fidélité à tout prince, potentat, État ou souveraineté étranger » et qu’ils portent « une foi et une allégeance véritables » uniquement aux États-Unis.3 Cela reflète le désir des États d’obtenir un engagement sans ambiguïté de la part de leurs citoyens. Toutefois, l’existence même et l’acceptation croissante de la double citoyenneté remettent en cause cet idéal, suggérant que, dans la pratique, l’allégeance peut être un concept complexe et à plusieurs niveaux. Cela crée une tension inhérente : alors que les États peuvent aspirer à une allégeance unique, les cadres juridiques s’accommodent de plus en plus d’allégeances plurielles, une dynamique qui est au cœur des préoccupations sécuritaires explorées dans cet article.
Citoyenneté et double nationalité
La citoyenneté est un statut juridique formel qui définit l’appartenance d’un individu à un État. Un citoyen est une personne qui « doit allégeance à un gouvernement et qui a droit à la protection du gouvernement en échange de cette allégeance ».4 Cette relation est souvent considérée comme un « contrat ou un accord » dans lequel le citoyen fait preuve de loyauté et le gouvernement assure la protection et garantit les droits. Les citoyens possèdent également des droits et des responsabilités spécifiques, tels que le droit de vote et le droit d’occuper une fonction publique, qui ne sont généralement pas accordés aux non-citoyens.4
La citoyenneté peut être acquise selon différents principes :
- Jus Soli (droit du sol): Ce principe accorde la citoyenneté sur la base de la naissance sur le territoire d’un pays, quelle que soit la nationalité des parents.5
- Jus Sanguinis (droit du sang): Ce principe accorde la citoyenneté sur la base de la nationalité des parents, quel que soit le lieu de naissance.7 Le Ghana applique principalement le principe du jus sanguinis, selon lequel une personne née au Ghana ou à l’étranger devient citoyenne à la naissance si l’un de ses parents ou grands-parents est ou a été citoyen ghanéen.7
Il y a double nationalité lorsqu’un individu est reconnu comme citoyen par deux pays ou plus simultanément.La loi ghanéenne sur la citoyenneté (loi 591 de 2000) autorise explicitement la double nationalité et exige des citoyens qui acquièrent une autre nationalité qu’ils en informent leministre10.
La définition de l’allégeance passe d’une obligation légale stricte de fidélité à un concept souverain, plus large et plus personnel de dévouement. Cependant, l’existence et l’acceptation de la double citoyenneté remettent intrinsèquement en question cet idéal, suggérant que, dans la pratique, l’allégeance peut être complexe et à plusieurs niveaux. Il en résulte une tension fondamentale : les États exigent une allégeance singulière, alors que les cadres juridiques prennent de plus en plus en compte les allégeances plurielles. Cette tension est au cœur des implications en matière de sécurité.
La citoyenneté est présentée comme un contrat ou un accord réciproque dans lequel le citoyen fait preuve de loyauté (allégeance) et le gouvernement assure la protection et garantit les droits. Cette nature réciproque implique que si l’une des parties perçoit que l’autre ne respecte pas ses engagements (par exemple, le gouvernement ne fournit pas les avantages perçus, ou les citoyens ne font pas preuve d’une totale allégeance), le « contrat » est mis à rude épreuve. C’est sur cette base que s’appuient les critiques de l’opinion publique lorsque les élites sont perçues comme recherchant une protection ou des avantages extérieurs pour leurs enfants.
Le concept de « double loyauté » est parfois considéré comme un « bromure vide de sens » dans les milieux universitaires, les théories du transnationalisme suggérant que la migration et la communication mondiale produisent de nouvelles formes d’identité qui transcendent les notions nationales traditionnelles.13 Cela implique que l’attente d’une allégeance unique dans un monde profondément interconnecté pourrait être un concept dépassé. Toutefois, ce point de vue académique contraste fortement avec les préoccupations persistantes des agences de sécurité nationale, qui évaluent les relations étrangères en fonction des « loyautés divisées et des possibilités d’incitation ou de coercition ».14 Cela indique un fossé entre la compréhension théorique de l’identité et l’arbitrage pratique en matière de sécurité.
4. Le contexte ghanéen : Tourisme de naissance des élites et double citoyenneté
Cet article s’appuie sur un phénomène spécifique observé au Ghana, où l’intersection des lois sur la double nationalité et du comportement des élites crée des considérations uniques en matière de sécurité.
Le cadre de la double nationalité au Ghana
La position juridique du Ghana sur la double nationalité est relativement progressiste dans le contexte africain. La loi sur la citoyenneté (loi 591 de 2000) autorise explicitement un citoyen ghanéen à détenir la citoyenneté d’un autre pays en plus de sa citoyenneté ghanéenne.10 Cette loi exige des individus qu’ils informent le ministre par écrit de l’acquisition d’une citoyenneté supplémentaire.10 Un arrêt de la Cour suprême dans l’affaire Asare Vs Attorney General (2012) a précisé que les doubles nationaux ne sont plus tenus de demander un certificat ou une carte de double citoyenneté, bien qu’ils puissent le faire à des fins personnelles. Cette décision permet également aux doubles nationaux d’utiliser leur passeport ghanéen pour entrer au Ghana et leur passeport étranger pour en sortir.17 Ce cadre juridique reflète une tentative d’acceptation de la diaspora et de ses contributions potentielles au développement national. Malgré cette ouverture, la constitution ghanéenne, en particulier l’article 8(2) (tel qu’amendé), et la loi sur la citoyenneté (loi 591, section 16(2)), imposent d’importantes restrictions aux doubles nationaux qui occupent certaines fonctions publiques de haut niveau.10 Il s’agit notamment de postes essentiels à la sécurité nationale, à la politique étrangère et au système judiciaire, tels que le président de la Cour suprême, l’ambassadeur, le chef d’état-major de la défense et l’inspecteur général de la police. La raison d’être de ces interdictions est d’atténuer le risque perçu de loyauté divisée dans des rôles où l’intérêt national et la sécurité sont primordiaux. La loi reconnaît implicitement que la détention de la citoyenneté d’un autre pays pourrait créer un conflit d’intérêts, en particulier dans des fonctions gouvernementales sensibles, et est considérée par certains comme « contraire à la notion d’identité, de loyauté et de cohésion nationales ».10
Le phénomène du tourisme de naissance
L’observation de la tendance parmi les élites ghanéennes : la pratique du « tourisme de naissance », où les femmes enceintes se rendent dans des pays, généralement dans le Nord, qui adhèrent au principe du jus soli (citoyenneté de naissance). 5 La motivation principale de cette tendance est « l’attrait mondial » et « le statut mondial associé à la citoyenneté étrangère », qui offre des avantages perçus pour leurs enfants. Ces avantages comprennent une mobilité plus facile (par exemple, l’absence de visa pour se rendre dans le pays de la deuxième nationalité), l’accès à de meilleures possibilités d’éducation et l’amélioration de l’avenir économique à long terme.5 Le voyage pour avoir un citoyen né à l’étranger est souvent un « secret de polichinelle » parmi les Ghanéens, les réactions positives de leurs compatriotes renforçant cette pratique.5
La motivation du tourisme de naissance, enracinée dans les avantages perçus offerts par les citoyennetés du Nord, suggère qu’une partie de l’élite ghanéenne, malgré son influence et sa richesse au Ghana, manque implicitement de confiance dans la capacité du Ghana à offrir ces opportunités et cette sécurité à ses enfants. Leurs actions peuvent donc être interprétées non seulement comme des choix individuels, mais aussi comme une déclaration collective de méfiance à l’égard de la stabilité et de la prospérité à long terme de leur propre nation, ce qui les incite à chercher une « assurance » extérieure pour leur progéniture. Ce sentiment sous-jacent peut subtilement éroder le fondement même du développement national et de l’autosuffisance.
Le tourisme de naissance des élites permet aux enfants de Ghanéens influents d’accéder aux avantages de la citoyenneté du Nord. Il en résulte un transfert intergénérationnel de privilèges qui peut perpétuer les disparités socio-économiques au Ghana. Ces enfants, en vertu de leur citoyenneté étrangère, peuvent plus tard accéder à des rôles stratégiques au Ghana, tout en conservant une « option de sortie » qui n’est pas accessible à la majorité de la population. Cette situation peut exacerber les sentiments d’inégalité et de ressentiment parmi les Ghanéens des classes inférieures, qui ont l’impression que l’élite ne s’investit pas pleinement dans l’avenir de la nation parce que leurs enfants ont d’autres voies sûres à l’étranger. Cette situation a des conséquences importantes sur la cohésion sociale et la confiance dans la gouvernance.
La loi ghanéenne sur la citoyenneté (loi 591 de 2000) est progressiste en ce qu’elle autorise la double nationalité. Cependant, cette ouverture est immédiatement freinée par des restrictions significatives sur la fonction publique pour les doubles citoyens. Ce paradoxe indique que le gouvernement tente de trouver un équilibre entre les avantages de l’engagement de la diaspora et le besoin perçu de protéger la sécurité nationale et la loyauté au plus haut niveau. Le débat en cours au Parlement sur la suppression de ces restrictions met en évidence la tension interne entre l’inclusivité et les préoccupations en matière de sécurité, reflétant une lutte pour définir ce qui constitue la « véritable » citoyenneté et l’engagement envers la nation.24
5. Conséquences de la double allégeance sur la sécurité des agents publics
Conflits d’intérêts et loyautés partagées
La double loyauté est précisément définie comme « la loyauté envers deux intérêts distincts qui peuvent entrer en conflit l’un avec l’autre, ce qui conduit à un conflit d’intérêts ». 13 Ce concept est au cœur des décisions d’habilitation en matière de sécurité nationale, où les relations avec l’étranger, y compris les liens familiaux, sont rigoureusement évaluées afin de déceler d’éventuelles « loyautés divisées et des possibilités d’incitation ou de coercition ». 14 Si les accusations de double loyauté peuvent parfois être utilisées comme un « trope bigot » pour cibler injustement certains groupes, elles reflètent également des préoccupations sincères concernant la fiabilité et le potentiel des individus à saper les intérêts nationaux. 13 Néanmoins, la perception de loyautés divisées, même en l’absence de cas documentés de conflit réel, peut être profondément préjudiciable et éroder la confiance du public dans les institutions et les dirigeants.
Les liens familiaux, en particulier ceux qui s’étendent au-delà des frontières nationales, sont reconnus comme un vecteur potentiel d’influence étrangère. Les contacts étrangers, y compris les membres de la famille immédiate, sont considérés comme un problème de sécurité nationale s’ils « entraînent une division de l’allégeance ou créent des situations dans lesquelles un individu peut être manipulé, soumis à des pressions, contraint ou incité à aider une personne, un groupe, une organisation ou un gouvernement étranger d’une manière incompatible avec les intérêts des États-Unis ».15 Ce principe s’applique directement au contexte ghanéen, où les enfants de fonctionnaires ayant une nationalité étrangère pourraient être considérés comme une vulnérabilité, exposant potentiellement le fonctionnaire à des pressions subtiles ou manifestes.
Restrictions à l’exercice d’une fonction publique
Le cadre juridique ghanéen tente explicitement d’atténuer les risques liés à la double nationalité en imposant des interdictions aux personnes ayant une double nationalité d’occuper certains postes publics de haut niveau. L’article 8, paragraphe 2, de la constitution (telle que modifiée) et l’article 16, paragraphe 2, de la loi sur la citoyenneté (loi n° 591) interdisent aux personnes ayant la nationalité d’un autre pays d’être nommées à une série de postessensibles10:
Tableau 2 : Fonctions publiques réservées aux personnes ayant la double nationalité au Ghana
Nom du bureau | Dispositions constitutionnelles/législatives pertinentes | Justification (implicite/explicite) |
Président et juges de la Cour suprême | Article 8, paragraphe 2, loi 591, article 16, paragraphe 2 10 | Sensibilité élevée en matière de sécurité nationale et de politique ; risque de loyauté divisée dans les décisions judiciaires |
Ambassadeur ou Haut Commissaire | Article 8, paragraphe 2, loi 591, article 16, paragraphe 2 10 | Représentation directe des intérêts nationaux à l’étranger ; sensibilité à la politique étrangère |
Secrétaire du Cabinet | Article 8, paragraphe 2, loi 591, article 16, paragraphe 2 10 | Accès aux informations gouvernementales sensibles ; rôle central dans la coordination des politiques |
Chef d’état-major de la défense ou tout chef de service | Article 8, paragraphe 2, loi 591, article 16, paragraphe 2 10 | Commandement direct de la défense nationale ; le plus haut niveau d’allégeance militaire est requis |
Inspecteur général de la police | Article 8, paragraphe 2, loi 591, article 16, paragraphe 2 10 | Chef de l’application de la loi au niveau national ; critique pour la sécurité intérieure |
Commissaire, Service des douanes, des accises et de la prévention | Article 8, paragraphe 2, loi 591, article 16, paragraphe 2 10 | Sécurité des frontières et contrôle économique ; protection des revenus |
Directeur du service d’immigration | Article 8, paragraphe 2, loi 591, article 16, paragraphe 2 10 | Contrôle des frontières et sécurité des entrées/sorties nationales |
Ministre ou vice-ministre | Loi 591, article 16(2) 17 | Élaboration directe des politiques et autorité exécutive |
Directeur général d’un ministère | Loi 591, article 16(2) 10 | Rôle administratif de haut niveau avec influence sur la mise en œuvre des politiques |
Grade de colonel dans l’armée ou équivalent dans d’autres services de sécurité | Loi 591, article 16(2) 10 | Responsabilités importantes en matière de commandement et d’opérations au sein des forces de sécurité |
Toute autre fonction publique spécifiée par une loi du Parlement ou prescrite par le ministre au moyen d’un instrument législatif. | Article 8, paragraphe 2, loi 591, article 16, paragraphe 2 10 | Flexibilité pour répondre à l’évolution des préoccupations en matière de sécurité et des rôles sensibles |
La raison d’être de ces interdictions est d’atténuer le risque de loyauté divisée dans les postes où l’intérêt national et la sécurité sont primordiaux. La loi reconnaît implicitement que la détention de la nationalité d’un autre pays peut créer un conflit d’intérêts, en particulier dans les fonctions impliquant des informations sensibles, des relations étrangères ou la défense nationale. Cela reflète la compréhension du fait que « la double nationalité exige l’impossible ou le déraisonnable que les gens doivent allégeance à plus d’un pays » et est « contraire à la notion d’identité, de loyauté et de cohésion nationales ».10
Vulnérabilité à l’influence étrangère
Si les fonctionnaires eux-mêmes ne possèdent pas la double nationalité dans le cadre de leurs fonctions restreintes, la nationalité étrangère de leurs enfants constitue une source potentielle d’influence étrangère indirecte. Celle-ci peut se manifester sous forme de pression ou de coercition, lorsque des entités étrangères peuvent tirer parti du statut, des actifs ou du bien-être des enfants à l’étranger pour influencer les décisions du fonctionnaire. Par exemple, les directives américaines en matière d’habilitation de sécurité stipulent explicitement que les contacts étrangers, y compris les membres de la famille, sont évalués en vue d’une manipulation ou d’une coercition potentielle qui pourrait conduire à une « allégeance divisée ».15 Cela suggère que l’inquiétude du public, bien que spéculative, s’aligne sur les principes établis d’évaluation des risques en matière de sécurité nationale. La perception de cette vulnérabilité, même en l’absence de cas documentés, érode considérablement la confiance du public et la légitimité de la gouvernance.
Les recherches, bien que spécifiques au contexte américain, suggèrent que la double nationalité peut être « associée à des niveaux inférieurs d’identité nationale américaine ».14 Cette constatation soulève une préoccupation plus large, à savoir que le fait de détenir ou de faciliter la citoyenneté étrangère pour ses enfants pourrait subtilement diluer l’identification primaire d’une famille avec le Ghana, ce qui pourrait avoir un impact sur l’engagement à long terme des générations futures vis-à-vis de la nation. Ce phénomène met également en évidence le caractère potentiellement incomplet des restrictions actuelles en matière d’influence indirecte. Les restrictions constitutionnelles ghanéennes relatives à la double nationalité pour l’exercice de certaines hautes fonctions constituent une tentative directe d’atténuer les conflits d’intérêts. Toutefois, ces restrictions visent principalement le fonctionnaire qui détient la double nationalité. Elles n’abordent pas explicitement le cas où les enfants du fonctionnaire possèdent une nationalité étrangère. Il s’agit là d’une lacune potentielle ou d’un domaine dans lequel la politique ne s’est pas totalement adaptée à la nature évolutive des liens familiaux transnationaux et à leur potentiel d’influence indirecte. Le cadre actuel n’est peut-être pas suffisant pour faire face aux pressions subtiles ou aux préjugés qui pourraient résulter du désir d’un parent de protéger ou de promouvoir les intérêts étrangers de ses enfants.
Le tollé suscité par la citoyenneté étrangère des enfants de l’élite met en évidence un problème de société plus profond que les menaces directes pour la sécurité. Cela signifie que l’élite semble se désintéresser de l’avenir à long terme du Ghana. Si les personnes au pouvoir sont perçues comme sécurisant des « voies de sortie » pour leurs familles, cela sape l’effort national collectif et la confiance nécessaires au développement. Cette perception peut favoriser le cynisme, réduire la participation civique et créer l’image d’une citoyenneté à deux vitesses, où l’élite est à l’abri des conséquences de ses décisions, contrairement à la population en général. Cette situation a de profondes répercussions sur la cohésion et la stabilité nationales.
6. Considérations politiques et recommandations
Renforcer la transparence et la confiance du public
Accroître la transparence sur le statut de double nationalité des familles des fonctionnaires et lancer des campagnes d’éducation du public sont des mesures essentielles pour favoriser une compréhension plus nuancée de la double nationalité. Les protestations et la méfiance du public découlent souvent d’un manque d’information et d’un sentiment d’injustice. La transparence peut contribuer à rétablir la confiance, tandis que l’éducation peut contrer les accusations simplistes de déloyauté.13
Mesures à prendre :
- Publier des données globales anonymes: Publier des données globales anonymes sur la double nationalité des familles des fonctionnaires (sans révéler les identités personnelles) afin d’éclairer le discours public et de démontrer la sensibilisation et l’engagement du gouvernement en matière de transparence.
- Lancer des campagnes de sensibilisation du public: Lancer des campagnes de sensibilisation du public pour expliquer les lois ghanéennes sur la double nationalité, les avantages escomptés (par exemple, l’engagement de la diaspora ) et les restrictions existantes, tout en abordant ouvertement les préoccupations relatives à la division de la loyauté.
- Encourager un dialogue ouvert: Favoriser les plateformes de dialogue ouvert entre le gouvernement, les organisations de la société civile et le public sur les complexités de la double nationalité et ses implications pour l’identité et la sécurité nationales.
Réévaluation et adaptation de la politique de double citoyenneté
Une révision complète de la loi sur la citoyenneté (loi 591 de 2000) et des dispositions constitutionnelles connexes est nécessaire pour évaluer leur adéquation aux défis contemporains posés par les liens familiaux transnationaux. Les restrictions actuelles visent principalement les doubles citoyens eux-mêmes, et non leur famille, ce qui indique une lacune potentielle dans la politique. Le débat politique actuel autour de la double nationalité montre également la nécessité d’un cadre plus inclusif et plus sûr.
Mesures à prendre :
- Convoquer une commission multipartite: Mettre en place une commission multipartite composée d’experts juridiques, d’analystes de la sécurité, de représentants de la société civile et de la diaspora afin d’entreprendre un examen approfondi du cadre de la double citoyenneté.
- Étudier les options politiques: Étudier les options politiques qui permettent d’équilibrer efficacement les droits des doubles nationaux et de leurs familles avec les intérêts de la sécurité nationale. Il pourrait s’agir d’étudier de nouvelles catégories de rôles sensibles ou des procédures de contrôle renforcées pour les fonctionnaires dont les membres de la famille sont des citoyens étrangers, plutôt que d’imposer des interdictions pures et simples.
- S’attaquer aux motivations sous-jacentes: Élaborer et mettre en œuvre des politiques qui s’attaquent aux motivations sous-jacentes du tourisme de naissance, telles que l’amélioration des opportunités nationales et la réduction du besoin perçu d’une « stratégie de sortie » pour l’élite.5 Il s’agit de renforcer l’environnement socio-économique du Ghana afin de le rendre plus attrayant pour tous les citoyens, y compris l’élite, afin qu’ils investissent pleinement leur avenir dans le pays.
Promouvoir l’identité et la cohésion nationales
Il est primordial d’investir dans des initiatives qui renforcent l’identité nationale, le patriotisme et le sentiment d’unité partagé par tous les Ghanéens, quelles que soient les relations internationales de leur famille. La perception publique de la « véritable » citoyenneté et les préoccupations relatives à la cohésion nationale sont des questions cruciales qui peuvent être atténuées en encourageant une identité nationale forte et inclusive.24
Mesures à prendre :
- Intégrer une éducation citoyenne complète: Intégrer une éducation citoyenne complète dans les programmes scolaires nationaux, en mettant l’accent sur l’histoire du Ghana, ses valeurs et les responsabilités de la citoyenneté, y compris le concept d' »Unicité » et l’identité panafricaine.28
- Promouvoir le service national et l’engagement civique: Créer et promouvoir des opportunités de service national et d’engagement civique qui rassemblent divers segments de la société, y compris ceux qui ont des liens internationaux, afin de favoriser un engagement commun pour l’avenir du Ghana.
- S’attaquer aux problèmes systémiques: Ces problèmes alimentent le cynisme du public et contribuent au désir de l’élite d’obtenir une « assurance » étrangère pour ses enfants, ce qui a un impact direct sur la confiance et la cohésion nationales.
9. Conclusion
L’analyse présentée dans cet article souligne les implications complexes et à plusieurs niveaux de la double allégeance, en particulier en ce qui concerne la tendance au tourisme de naissance de l’élite au Ghana. Bien que le cadre juridique ghanéen autorise la double nationalité, la pratique consistant pour des personnes influentes à obtenir des nationalités étrangères pour leurs enfants suscite des inquiétudes légitimes quant aux conflits d’intérêts potentiels, à la vulnérabilité à l’influence étrangère et, surtout, à l’érosion de la confiance du public et de la cohésion nationale.
La perception d’une « stratégie de sortie » pour l’élite, associée à la possibilité de biais subtils dans la prise de décision, remet en question les principes fondamentaux de responsabilité et de partage de la destinée nationale. Les protestations du public reflètent une inquiétude profonde quant à l’intégrité de la gouvernance et à la définition même de ce que signifie être un « vrai » Ghanéen.
La résolution de ces problèmes nécessite une approche nuancée et multiforme qui va au-delà des simples interdictions légales. Il faut s’engager à renforcer la gouvernance éthique, à améliorer la transparence et à favoriser une identité nationale solide et inclusive qui englobe tous les Ghanéens tout en atténuant les risques de division des loyautés. En fin de compte, la sécurité et la stabilité à long terme du Ghana dépendent de la culture d’un sentiment partagé d’allégeance et d’un engagement collectif envers l’avenir de la nation, où tous les citoyens, y compris l’élite, sont perçus comme étant pleinement investis dans son succès et sa prospérité.
Travaux cités
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