Dans l’hymne révolutionnaire français, La Marseillaise, les citoyens sont « appelés aux armes » et exhortés à « former vos bataillons » pour défendre la nation. Un esprit de résistance similaire se retrouve dans Le Chant des Partisans, l’hymne de la Résistance française pendant la Seconde Guerre mondiale, où des civils ont été mobilisés pour lutter contre l’occupation, pleinement conscients des enjeux de vie ou de mort. Ces précédents historiques illustrent des moments où des personnes ordinaires sont devenues des défenseurs de première ligne en cas de menace existentielle. Aujourd’hui, alors que le Ghana est confronté à la menace rampante de la violence extrémiste en provenance du Sahel, la question se pose : Le Ghana devrait-il envisager d’armer ses citoyens dans le cadre d’une stratégie nationale de lutte contre le terrorisme ?
Un paysage de menaces en mutation
Le Ghana se trouve à la lisière d’une région de plus en plus instable. Le Burkina Faso, son voisin du nord, est devenu ces dernières années un foyer d’insurrection djihadiste, avec des groupes extrémistes liés à Al-Qaïda et à l’État islamique opérant en toute impunité sur de vastes étendues de son territoire. À mesure que les institutions étatiques du Burkina Faso s’affaiblissent, on craint de plus en plus que la violence ne se propage aux régions septentrionales du Ghana, comme elle l’a fait au Togo et au Bénin.
Jusqu’à présent, le Ghana n’a pas connu d’attaques terroristes de grande envergure sur son territoire. Toutefois, des rapports faisant état d’activités de recrutement et de propagande menées par des éléments extrémistes dans les communautés frontalières signalent une évolution de l’environnement de la menace. Les experts en sécurité avertissent que le Ghana doit agir de manière préventive, sous peine de devenir la prochaine ligne de front.
L’argument en faveur de l’armement civil
Dans de tels contextes, l’armement des citoyens peut, selon ses partisans, renforcer l’autodéfense et la dissuasion au niveau local, en particulier dans les régions reculées où la présence de l’État en matière de sécurité est limitée. Les initiatives de sécurité communautaires, telles que les groupes d’autodéfense ou les milices locales, ont été déployées sous diverses formes à travers l’Afrique.
Au Nigeria, par exemple, la Civilian Joint Task Force (CJTF) a joué un rôle déterminant dans la résistance à Boko Haram dans le nord-est du pays. De même, au Burkina Faso, les Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP) ont été recrutés pour soutenir l’armée dans la défense des zones rurales. Ces modèles suggèrent que les populations locales, lorsqu’elles sont formées et armées, peuvent offrir un soutien essentiel aux forces de sécurité débordées.
Les risques de l’armement de la population
Cependant, ces modèles présentent également des risques importants. L’armement civil, sans contrôle rigoureux, peut conduire à.. :
- La prolifération des armes : Les armes peuvent être détournées au profit de réseaux criminels ou d’insurgés.
- Abus de pouvoir : Des groupes mal formés ou non réglementés peuvent violer les droits de l’homme ou exacerber les conflits locaux.
- Érosion de l’autorité de l’État : Les groupes civils armés peuvent se transformer en structures de pouvoir parallèles, sapant ainsi la cohésion nationale.
- Tensions ethniques et communautaires : Dans des sociétés aussi diverses que le Ghana, la mobilisation armée pourrait alimenter la violence intercommunautaire, en particulier dans les régions politiquement ou ethniquement sensibles. Cette situation est d’autant plus préoccupante que le nord du pays a été le théâtre, au fil des ans, de désaccords entre chefferies et ethnies. L’armement des civils pourrait exacerber le problème.
Au Burkina Faso, malgré les gains opérationnels des PDV, le manque de formation efficace, de supervision et d’intégration dans les structures de sécurité officielles a donné lieu à des rapports d’abus et à des conséquences inattendues, notamment des attaques de représailles et des déplacements de communautés.
D’autres voies vers la résilience
Plutôt qu’un armement généralisé, le Ghana peut poursuivre d’autres stratégies qui s’inspirent de l’esprit de la mobilisation civique sans les risques inhérents à la militarisation de la population :
- Renforcer les réseaux de renseignements communautaires : Encouragez les acteurs locaux de confiance – chefs, clergé, enseignants et leaders de la jeunesse – à former des cellules d’alerte précoce qui assurent la liaison avec les forces de l’ordre.
- Créez des corps de défense civile axés sur la surveillance, le signalement et les interventions d’urgence : Plutôt que de leur fournir des armes à feu, équipez-les d’outils de communication, de formation et d’équipements de protection.
- Promouvoir l’éducation civique et les contre-récits : L’investissement dans des campagnes de sensibilisation du public, en particulier dans les régions frontalières, peut vacciner les communautés contre la propagande extrémiste.
- Améliorer les infrastructures de sécurité aux frontières et dans les zones rurales : Déployer davantage d’unités de sécurité mobiles, investir dans les technologies de surveillance et accroître la visibilité de l’État dans les zones vulnérables.
- Renforcer la coopération régionale : L’échange transfrontalier de renseignements avec le Burkina Faso, le Togo et la Côte d’Ivoire est essentiel pour suivre les mouvements des combattants et intercepter les filières de recrutement.
Recommandations politiques
Si le Ghana veut envisager une forme quelconque de soutien à la sécurité basé sur les citoyens, il doit le faire :
– Établir un cadre juridique et réglementaire clair avec des mécanismes de contrôle.
– Veillez à ce que la formation soit complète et couvre non seulement les armes à feu, mais aussi les droits de l’homme et la sensibilité aux conflits.
– Donner la priorité aux modèles de défense communautaire non létaux avant de passer aux options armées.
– Inclure des plans de soutien à la santé mentale et de réintégration pour les communautés soumises à des tensions.
Conclusion
La Marseillaise et Le Chant des Partisans incarnent le noble idéal d’un peuple uni qui résiste à la domination. Mais l’histoire nous enseigne également les dangers d’une résistance armée incontrôlée. Pour le Ghana, la réponse à l’insécurité croissante ne réside peut-être pas dans l’armement de ses citoyens, mais dans leur autonomisation par la vigilance, la résilience et le partenariat. Plutôt que de créer des bataillons de civils armés, le Ghana doit bâtir des communautés informées, préparées et unies face aux menaces extrémistes.
Un autre domaine qui n’a peut-être pas été pris en compte par les chefs de la sécurité est la collaboration avec des organisations de renseignement et de sécurité telles que la CISA. La CISA possède une expérience considérable et est composée d’universitaires, d’anciens agents des services de renseignement et de sécurité, de diplomates et d’anciens conseillers gouvernementaux possédant une expérience locale et internationale considérable. Une collaboration étroite avec ces organisations permettrait de fournir des conseils et un soutien pour relever efficacement les défis du terrorisme et élaborer des stratégies de lutte contre le terrorisme.
Références :
– International Crisis Group. (2023). Gagner les cœurs et les esprits au Sahel.
– ISS Afrique. (2024). Extrémisme violent en Afrique de l’Ouest côtière.
– ONUDC. (2022). Prolifération des armes et groupes armés en Afrique de l’Ouest.
– Données ACLED. (2023). Violence politique et extrémisme au Burkina Faso. – France 24. (2020). Se souvenir du Chant des Partisans : L’hymne de la résistance française.