Introduction
Les élections du7 décembre 2024 au Ghana ont été déterminantes pour l’orientation politique du pays. Cependant, les élections ont également été caractérisées par une diffusion importante de fausses informations, ce qui a eu un impact sur la dynamique électorale. Le jour des élections présidentielles et législatives de 2024 au Ghana, la désinformation est devenue l’une des plus grandes menaces pour l’intégrité du processus de vote. Alors que des millions d’électeurs votaient, la diffusion de fausses informations sur les bureaux de vote, le processus de vote et les résultats des élections a créé de la confusion, de la méfiance et, dans certains cas, de la peur au sein de l’électorat. Cet article examine la manière dont les fausses informations ont été diffusées le jour du scrutin, l’impact spécifique qu’elles ont eu sur le comportement et la confiance des électeurs, ainsi que les mesures prises pour remédier à ces fausses informations.
Désinformation le jour du scrutin
- Fausses allégations de retards et de fraudes dans les bureaux de vote
Le jour du scrutin, une rumeur très répandue a émergé, affirmant que certains bureaux de vote dans des districts clés avaient été retardés ou manipulés par les autorités électorales. Selon les messages qui ont circulé sur les plateformes de médias sociaux telles que WhatsApp et Facebook, des électeurs auraient été refoulés des bureaux de vote sans raison valable, et les listes électorales auraient été falsifiées. Un message populaire sur WhatsApp affirmait que certains districts des régions du Grand Accra et de l’Ouest avaient été soumis à des « retards délibérés », où les bulletins de vote auraient été échangés pour favoriser un candidat. Le message, qui comprenait des photos de longues files d’attente, suggérait que le processus était truqué. Ces informations ont semé la panique parmi les électeurs de ces régions, ce qui a peut-être entraîné une baisse de la participation dans certains bureaux de vote. Ces affirmations ne se sont pas limitées aux plateformes de médias sociaux. Une chaîne de télévision basée à Kumasi a prétendu que le vote aurait lieu à des jours différents. Il s’agissait manifestement d’une tentative d’influencer la fréquentation des centres de vote en faveur d’un parti politique particulier.
- Fausses informations sur les heures et les procédures de vote
Un autre élément important de désinformation le jour du scrutin concernait les changements apportés aux heures de vote et aux procédures de vote. De fausses informations ont prétendu que les heures de vote avaient été raccourcies ou prolongées dans certaines circonscriptions pour favoriser des candidats spécifiques. Dans certains cas, des rumeurs ont suggéré que les électeurs des bastions de l’opposition feraient l’objet d’un examen « spécial » lorsqu’ils voteraient. Un message viral sur Facebook indiquait que les horaires de vote dans le nord du Ghana avaient été prolongés de plusieurs heures pour tenir compte des électeurs « retardataires », mais uniquement dans les circonscriptions considérées comme favorables au candidat sortant. Cette désinformation a créé de l’incertitude et de la confusion, en particulier dans les circonscriptions rurales, et a conduit à des désaccords entre les électeurs et les responsables électoraux concernant l’heure de clôture officielle.
- Désinformation sur le « trucage des votes » et la « falsification des élections ».
Certains ont prétendu que les résultats étaient déjà prédéterminés et que le processus électoral était manipulé en faveur d’un parti politique. Une importante théorie du complot prétendait que les résultats avaient été « préprogrammés » dans les machines à voter et que, quel que soit le résultat, le parti au pouvoir l’emporterait. Une allégation particulièrement préjudiciable est devenue virale, selon laquelle un groupe d’observateurs internationaux était de connivence avec le gouvernement pour garantir un résultat électoral inéquitable. Ce récit suggérait que la commission électorale, qui s’efforçait de garantir le bon déroulement du processus, avait été compromise. La diffusion de ces fausses informations a amené de nombreux électeurs à se demander si leur vote allait compter, en particulier face aux rumeurs de falsification des bulletins de vote et de manipulation des résultats.
L’impact de la désinformation sur le comportement des électeurs
Les fausses informations diffusées le jour du scrutin ont eu des conséquences considérables sur le comportement des électeurs, leur confiance et leur participation au processus électoral. Plusieurs modèles d’influence distincts ont été mis en évidence :
- Diminution de la participation électorale
Dans certaines régions, en particulier celles où la désinformation sur les problèmes des bureaux de vote et la falsification des bulletins s’est répandue le plus rapidement, la participation électorale a été plus faible que prévu. Dans les circonscriptions où des informations erronées sur les retards du scrutin ont circulé, en particulier dans les zones urbaines comme Accra et Kumasi, un nombre important d’électeurs sont restés chez eux, pensant qu’ils ne pouvaient pas voter ou que leur vote ne compterait pas.
- Polarisation et méfiance à l’égard du processus électoral
Les fausses allégations concernant le vote des étrangers, le truquage des votes et la manipulation des résultats ont accentué la polarisation politique déjà existante. Les différents groupes d’électeurs se sont sentis déconnectés du processus, ce qui a encore divisé l’électorat en factions. Les partisans des différents candidats ont commencé à remettre en question la légitimité de l’ensemble du processus électoral.
Les messages diffusés sur les médias sociaux par les partis politiques accusant la Commission électorale (CE) de complicité de fraude électorale ont contribué à une forte baisse de confiance, en particulier chez les jeunes et les électeurs qui votent pour la première fois. Cela a entraîné des protestations dans certains districts, avec des appels à l’annulation du vote, même s’il n’y avait aucune preuve d’irrégularités.
- Confusion et anxiété chez les électeurs
Cette désinformation a créé une anxiété généralisée parmi les électeurs, en particulier dans les zones rurales. Les électeurs qui n’étaient pas sûrs de la légitimité de leur bureau de vote ou des procédures de vote se sont retrouvés dans un état de confusion, ce qui a entraîné des retards et des erreurs dans le processus de vote.
Des informations erronées concernant le registre des électeurs et le traitement des bulletins de vote dans la région de la Volta ont conduit certains électeurs à se rendre dans les bureaux de vote pour constater que leur nom ne figurait pas sur la liste électorale. Bien que la Commission électorale ait pu clarifier la situation en dirigeant les électeurs vers leurs bureaux de vote, la panique initiale a provoqué une désinformation qui a entraîné des perturbations et des retards inutiles.
Lutte contre la désinformation pendant les élections
Plusieurs acteurs, dont la commission électorale, les organisations de la société civile et les médias, ont pris des mesures urgentes le jour du scrutin pour lutter contre la désinformation et garantir l’intégrité du processus électoral.
- Les efforts de la Commission électorale pour clarifier les informations erronées
La Commission électorale (CE) du Ghana a travaillé sans relâche le jour des élections pour répondre aux fausses allégations et clarifier les procédures de vote. Grâce à des mises à jour régulières sur les médias sociaux, la CE a fourni des informations opportunes sur l’emplacement des bureaux de vote, les heures de vote et l’intégrité du processus électoral. Lorsque des informations erronées sur les retards des bureaux de vote se sont répandues, la Commission européenne a réagi sur ses comptes officiels X (Twitter) et Facebook, exhortant les électeurs à ignorer ces affirmations et à se rendre dans les bureaux de vote qui leur avaient été désignés. La CE a également travaillé avec les stations de radio locales pour diffuser des clarifications et encourager les électeurs à signaler tout problème directement aux observateurs électoraux.
- Rôle de la vérification des faits et des organisations de la société civile
Les organisations de vérification des faits et les groupes de la société civile ont joué un rôle essentiel dans la lutte contre la désinformation en démystifiant rapidement les fausses affirmations. Des vérificateurs de faits indépendants, dont la Ghana Fact-Check Initiative, ont fourni des mises à jour en temps réel sur les médias sociaux, vérifiant les affirmations virales et offrant aux électeurs une source d’information fiable. Dès que la rumeur des « résultats préprogrammés » a commencé à circuler, la Ghana Fact-Check Initiative l’a démentie à l’aide de preuves claires et d’analyses d’experts, en opposant des faits à ces affirmations. Leur travail a contribué à rassurer les électeurs sur le fait que l’élection était libre et équitable, malgré la désinformation généralisée.
- Campagnes de sensibilisation des médias et du public
Les stations de médias locales ont travaillé en collaboration avec la Commission européenne et la société civile pour informer le public et éduquer les électeurs sur leurs droits. Des programmes radio, des émissions télévisées et des plateformes numériques ont été utilisés pour lutter contre la désinformation tout au long de la journée électorale. Plusieurs stations de radio dans les zones urbaines et rurales ont organisé des sessions en direct avec des experts électoraux, qui ont répondu aux questions du public sur le processus de vote et aux inquiétudes concernant la désinformation. Ces émissions ont été cruciales pour calmer les inquiétudes des électeurs et assurer le bon déroulement des procédures de vote. La diffusion de faux résultats collationnés a également été omniprésente le jour du scrutin. Dans un message posté par le compte officiel X (anciennement Twitter) de TV3 au Ghana, la chaîne de télévision a démystifié une fausse image qui avait été copiée sur le modèle de la chaîne de télévision. L’image ci-dessous montre la fausse nouvelle affichée à un moment où les résultats n’avaient même pas encore été rassemblés.
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Recommandations pour les élections futures
- Améliorer la surveillance et la réaction en temps réel à la désinformation
Une infrastructure plus solide pour la surveillance en temps réel de la désinformation est nécessaire. Lors des prochaines élections, la commission électorale, en collaboration avec les médias et la société civile, devrait renforcer les équipes dédiées à la surveillance des médias sociaux et à la lutte contre la désinformation au fur et à mesure de son apparition.
- Renforcer les campagnes d’éducation des électeurs
Pour contrer la désinformation, des campagnes d’éducation des électeurs plus complètes devraient être menées bien avant le jour du scrutin. Cette campagne devrait se concentrer sur l’éducation des électeurs aux tactiques courantes de désinformation, sur l’importance de vérifier les informations et sur la manière d’identifier et de signaler les fausses affirmations.
- Accroître la transparence et la communication des organes électoraux
Une communication transparente et cohérente de la part de la commission électorale, en particulier lors des moments à fort enjeu comme le jour du scrutin, peut atténuer la propagation de fausses informations. Des mises à jour claires et opportunes sur les procédures de vote, la logistique des bureaux de vote et le traitement officiel des bulletins de vote contribueront à éviter la confusion.
Conclusion
La désinformation le jour des élections de 2024 au Ghana a posé des défis importants, influençant le comportement des électeurs, diminuant la confiance dans les institutions électorales et menaçant l’intégrité du processus de vote. Cependant, grâce à l’action rapide de la Commission électorale, des organisations de vérification des faits et des médias, une grande partie de la désinformation a été démentie, ce qui a rétabli un certain niveau de confiance parmi les électeurs. Pour préserver les élections futures, il est essentiel de renforcer la surveillance de la désinformation, d’améliorer l’éducation des électeurs et la communication avec le public, afin de garantir que le processus démocratique reste transparent, équitable et digne de confiance.
Références
Africa Check. (2024). MFWA, Dubawa et Ghana Fact créent la Ghana Fact-Checking Coalition avant le mois de décembre.
BBC News. (2024). How misinformation affected voting in Ghana’s 2024 elections (Comment la désinformation a affecté le vote lors des élections de 2024 au Ghana). Extrait de https://www.bbc.com/news/world-africa-67206001
Freedom House (2024). Ghana : Freedom on the Net 2024 country report. Extrait de https://freedomhouse.org/country/ghana/freedom-net/2024
Initiative de vérification des faits au Ghana. (2024). Vérification en temps réel des informations erronées diffusées le jour de l’élection.
Institut républicain international (IRI). (2024). Les élections de 2024 au Ghana : Une évaluation des risques de l’espace d’information en ligne.
KPMG. (2024). Lutte contre la désinformation induite par l’IA
Le Ghana moderne. (2024). Élections 2024 : La technologie au service de la désinformation politique https://www.modernghana.com/news/1361190/election-2024-using-technology-to-curb-political.html
VOA Afrique. (2024). Les analystes ghanéens mettent en garde contre la diffusion de fausses informations avant les élections de décembre. https://www.voaafrica.com/a/ghana-analysts-warn-of-misinformation-spread-ahead-of-december-elections/7767999.html Wikimedia Foundation. (2024). Donner aux professionnels des médias et aux éditeurs de Wikipédia les moyens de lutter contre la désinformation à l’approche des élections de 2024 au Ghana. Extrait de https://diff.wikimedia.org/2024/12/03/empowering-media-professionals-and-wikipedia-editors-to-combat-misinformation-ahead-of-ghanas-2024-elections