Introduction
Au cours des dernières années, l’exploitation minière illégale au Ghana est passée d’une simple stratégie de survie pour les marginaux à une opération commerciale sophistiquée qui attire des investissements étrangers considérables. L’article retrace le contexte historique et l’évolution de l’exploitation minière illégale au Ghana, ses impacts socio-économiques et ses conséquences environnementales. Cet article met en évidence, à travers cette interrelation entre les pratiques locales et l’implication étrangère, les défis auxquels sont confrontés les habitants et leur besoin urgent d’une gestion des ressources naturelles qui soit réellement durable. Le but d’un tel examen est de faciliter une meilleure compréhension de ce que l’exploitation minière illégale pourrait signifier pour l’environnement et les moyens de subsistance des personnes les plus touchées.
Contexte historique et tendances actuelles
La plupart des activités minières illégales menées au Ghana dans les années 1980 et au début des années 1990 concernaient des personnes de faible statut socio-économique. Les mineurs faisaient généralement les poubelles autour des maisons d’orfèvres ou récupéraient les résidus d’or laissés par les sociétés minières en utilisant des méthodes très primitives et des substances dangereuses telles que le mercure. Il s’agissait en grande partie d’un moyen de survie pour ceux dont les possibilités économiques étaient limitées. L’industrie minière artisanale et à petite échelle au Ghana a été le théâtre d’un afflux récent et très important de migrants étrangers, en particulier en provenance de Chine. Encouragés par des collaborateurs locaux, plus de 50 000 chercheurs d’or chinois ont afflué dans les zones rurales du Ghana entre 2008 et 2016 à la recherche de richesses (Antwi-Boateng & Akudugu, 2020 ; Boafo et al., 2019 ; Hilson et al., 2014). Les machines lourdes, notamment les bulldozers et les excavateurs, ont complètement modifié la dynamique de la région. Ce changement a non seulement augmenté l’ampleur de l’extraction, mais a également accentué la dégradation de l’environnement. Kumah 2022) ; Debrah & Asante, 2019 ; Crawford & Botchwey 2017). Ces technologies introduites dans les pratiques locales sont conformes à l’affirmation de Rodney selon laquelle le contact entre différentes cultures – en particulier si une culture est plus développée technologiquement que l’autre – peut avoir un impact négatif sur la culture moins développée (Rodney 1972).
Le concept de « tragédie des biens communs » de Hardin met en évidence le caractère non durable de l’exploitation d’une ressource finie comme l’or, lorsqu’il affirme qu’une ressource finie ne peut soutenir qu’une population finie (Hardin, 1964). Les réserves d’or du Ghana sont limitées et, si elles ne sont pas gérées de manière durable, elles seront certainement épuisées. Le résultat a été la délivrance de plus de 1 900 permis d’exploitation minière au cours des huit dernières années seulement, contre 99 permis d’exploitation minière délivrés entre 1988 et 2016 (Bekoe, 2024). Il est clair qu’une telle expansion a conduit à une augmentation sans précédent des activités minières dans tout le pays, commodément exploitées par des opérations minières à grande échelle sans surveillance ni contrôle rigoureux.
Cette situation est aggravée par la récente réglementation promulguée en 2022, L.I.2462, intitulée Environmental Protection (Mining in Forest Reserves) Regulations of 2022, qui vient s’ajouter aux forces motrices qui tendent actuellement le système écologique du pays vers son point de basculement ou son seuil. Lesdites réglementations, bien que promulguées pour permettre l’exploitation minière dans les réserves forestières, vont directement à l’encontre des engagements internationaux du Ghana en matière de lutte contre le changement climatique, de protection de la biodiversité et de gestion durable des terres, ce qui représente une grande menace pour les écosystèmes et compromet la réalisation des objectifs de développement durable, en particulier l’ODD 15, qui porte sur la vie sur terre.
Conséquences, réponses et protestations du public
Le paysage socio-économique des communautés minières s’est profondément modifié. Si l’afflux d’investissements de la part de sociétés étrangères a permis de créer des emplois et de générer des revenus, ce sont les acteurs extérieurs qui profitent de manière disproportionnée de ces avantages. Les communautés locales, quant à elles, sont confrontées aux conséquences désastreuses de la dégradation de l’environnement, des crises sanitaires et de la perte de ressources vitales.
Dans des régions comme Bibiani-Anhwiaso-Bekwai, les activités minières illégales ont entraîné des niveaux critiques de dégradation de l’environnement. Les sources d’eau dont les populations locales dépendent depuis des générations ont été contaminées par des métaux lourds tels que le cyanure, l’arsenic et le mercure. Ces substances toxiques présentent de graves risques pour la santé, en particulier pour les populations vulnérables, notamment les femmes enceintes et leurs enfants à naître, car des études ont montré que ces toxines peuvent s’accumuler dans le placenta, entraînant des malformations congénitales.
Ces effets ont donc suscité un tollé général et des protestations organisées. À cet égard, les organisations de la société civile, les autorités traditionnelles et les citoyens se sont tous associés pour illustrer cette pratique non moins destructrice. Des personnalités éminentes, comme l’Asantehene, ont déstabilisé certains chefs qui se livraient à des activités minières illégales, illustrant ainsi les dimensions culturelles et de leadership. Des milliers de manifestants sont descendus dans les rues d’Accra, exigeant une intervention immédiate du gouvernement pour mettre fin à l’exploitation minière illégale et à ses effets dévastateurs sur les terres et les ressources en eau. Par solidarité, l’Église catholique prévoit d’organiser une marche pacifique pour sensibiliser l’opinion et exiger des changements de politique en matière d’exploitation minière illégale. Les syndicats du pays se préparent à déclarer une grève nationale tout en soulignant que le sentiment d’inquiétude concernant l’impact négatif de Galamsey sur l’emploi, la santé et l’environnement s’est généralisé dans le pays.
Ces actions collectives montrent que les Ghanéens sont de plus en plus conscients de la nécessité d’un développement durable et d’une plus grande responsabilité dans le secteur minier, les communautés cherchant à préserver leurs moyens de subsistance et leurs ressources naturelles.
Conclusion
Le développement de l’exploitation minière illégale au Ghana reflète l’histoire de l’utilisation des ressources et des impacts qui l’accompagnent. Alors que pour un certain groupe de personnes, cela a apporté un soulagement économique à court terme, à long terme, les implications pour la communauté locale et l’environnement sont alarmantes. Tandis que d’autres récoltent les bénéfices ailleurs, la population locale en supporte les coûts. La question est maintenant de savoir comment rétablir l’équilibre grâce à une approche globale qui donne la priorité à la durabilité, à une réglementation efficace, à la santé et aux moyens de subsistance. Sans l’adoption de mesures appropriées, le Ghana risque de sacrifier son patrimoine naturel et le bien-être de sa population à une insatiable soif d’or.
Référence
Antwi-Boateng, O. et Akudugu, M. A. (2020). Golden Migrants : The Rise and Impact of Illegal Chinese Small-Scale Mining in Ghana. Politics & Policy, 48(1), 135-167. https://doi.org/10.1111/polp.12342
Bekoe, N. K. (2024). The Galamsey Menace : Which administration granted most mining licences ? Consulté le 9 octobre 2024, sur https://ghana.dubawa.org/
Boafo, J., Paalo, S. et Dotsey, S. (2019). L’exploitation minière chinoise illicite à petite échelle au Ghana : au-delà de la faiblesse institutionnelle ? Sustainability, 11(21), 5943. https://doi.org/10.3390/su11215943
Crawford, G. et Botchwey, G. (2017). Conflit, collusion et corruption dans l’exploitation minière de l’or à petite échelle : Chinese miners and the state in Ghana. Commonwealth & Comparative Politics, 55(4), 444-470. https://doi.org/10.1080/14662043.2017.1283479
Debrah, E. et Asante, R. (2019). Sino-Ghana bilateral relations and Chinese migrants’ illegal gold mining in Ghana (Relations bilatérales sino-ghanéennes et exploitation illégale de l’or par les migrants chinois au Ghana). Asian Journal of Political Science, 27(3), 286-307. https://doi.org/10.1080/02185377.2019.1669473
Hardin, G. (1968). La tragédie des biens communs. Science, 162, 1243-1248.
Hilson, G., Hilson, A. et Adu-Darko, E. (2014). Chinese participation in Ghana. Journal of Rural Studies, 34, 292-303. https://doi.org/10.1016/j.jrurstud.2014.03.001
http://dx.doi.org/10.1126/science.162.3859.1243
Kumah, R. (2022). Artisanal and small-scale mining formalisation challenges in Ghana : Explaining grassroots perspectives. Resources Policy, 79, 102978. https://doi.org/10.1016/j.resourpol.2022.102978 Rodney, W. (1972). Comment l’Europe a sous-développé l’Afrique. Londres : Bogle-1’Ouverture Publications.