Le Sahel est désormais l’épicentre du terrorisme dans le monde, selon l’Indice mondial du terrorisme 2024. L’indice (GTI) 2024 souligne que le terrorisme au Sahel dépasse désormais la situation au Moyen-Orient. Le Sahel central (Burkina Faso, Mali et Niger) compte désormais plus de la moitié de tous les décès dus au terrorisme dans le monde (Vision de l’humanité) (Sécurité et développement durable).
Au Burkina Faso, l’indice rapporte que les décès liés au terrorisme ont augmenté de 68 % malgré une réduction des attaques, ce qui illustre la gravité et la létalité des incidents (Vision of Humanity).
Compilé par l’Institute for Economics and Peace (IEP), le GTI met en évidence des changements significatifs dans le paysage du terrorisme mondial. Elle note que les décès liés au terrorisme ont bondi de 22 %, atteignant 8 352, le chiffre le plus élevé depuis 2017. À l’inverse, le nombre d’incidents terroristes a diminué de 22 % pour atteindre 3 350, ce qui indique que les attaques sont de plus en plus meurtrières. En outre, le nombre de pays signalant des incidents terroristes a chuté à 50.
L’Initiative mondiale contre le terrorisme 2024 souligne le déplacement spectaculaire de l’épicentre du terrorisme du Moyen-Orient vers la région centrale du Sahel, en Afrique subsaharienne. Pour la première fois dans les 13 années d’existence du rapport, un pays autre que l’Afghanistan ou l’Irak arrive en tête de l’index. Le Burkina Faso a connu près de 2 000 décès dus au terrorisme au cours de 258 incidents, ce qui représente près d’un quart des décès dus au terrorisme dans le monde. Malgré une diminution de 17 % des attaques, les décès liés au terrorisme au Burkina Faso ont augmenté de 68 %, ce qui souligne la gravité croissante de la violence.
Dans les démocraties occidentales, les États-Unis représentaient 76 % des décès liés au terrorisme en 2023, bien que le nombre total d’incidents ait atteint son niveau le plus bas depuis 15 ans.
Le rapport met également en évidence des améliorations significatives en Irak, où le nombre de décès dus au terrorisme a chuté de 99 % depuis le pic de 2007, tombant à 69 en 2023.
La concentration du terrorisme s’est intensifiée, dix pays représentant 87 % de tous les décès liés au terrorisme. Le rapport révèle que plus de 90 % des attaques terroristes et 98 % des décès dus au terrorisme se produisent dans des zones de conflit, ce qui souligne la forte corrélation entre les conflits et le terrorisme.
Ces résultats indiquent que le paysage du terrorisme évolue et devient de plus en plus meurtrier, en particulier au Sahel, et soulignent la nécessité de stratégies globales pour répondre à la fois aux défis immédiats en matière de sécurité et aux problèmes socio-économiques sous-jacents qui alimentent l’extrémisme dans ces régions.
Qui sont les terroristes au Sahel ?
Le terrorisme dans la région du Sahel, selon diverses sources telles que GTI 2024, International Crisis Group (ICG), United States Institute of Peace (USIP) et Armed Conflict Location and Event Data Project (ACLED), est le fait de plusieurs groupes extrémistes. Les plus notables d’entre eux sont :
1. Jama’at Nasr al-Islam wal Muslimin (JNIM) : Formé en 2017, le JNIM est une coalition de plusieurs groupes djihadistes, dont Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), Ansar Dine, le Front de libération du Macina et Al-Mourabitoun. Il est affilié à Al-Qaïda et opère principalement au Mali, au Burkina Faso et au Niger.
2. L’État islamique dans le Grand Sahara (ISGS) : Ce groupe est apparu en 2015 après s’être séparé d’al-Mourabitoun et avoir prêté allégeance à l’État islamique (ISIS). L’ISGS opère principalement dans les zones frontalières du Mali, du Burkina Faso et du Niger et est connu pour ses attaques brutales contre des cibles civiles et militaires.
3. Boko Haram : initialement basé au Nigeria, Boko Haram a étendu ses opérations au Sahel, en particulier au Niger et au Tchad. Le groupe est tristement célèbre pour son insurrection violente visant à établir un État islamique dans la région.
4. Ansaroul Islam : Ce groupe, basé au Burkina Faso, a été fondé par Malam Ibrahim Dicko en 2016. Il est responsable de nombreuses attaques dans le nord du Burkina Faso.
5. Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) : Bien que faisant partie du JNIM, l’AQMI continue d’opérer en tant qu’entité distincte. Il a une longue histoire dans la région, se livrant à des enlèvements, des attentats à la bombe et d’autres activités terroristes.
6. Katiba Macina (Front de libération du Macina) : Dirigé par Amadou Koufa, ce groupe opère principalement dans le centre du Mali. Il fait partie du JNIM et a été impliqué dans de nombreuses attaques contre les forces maliennes et internationales.
Vision of Humanity identifie cependant l’ISGS et le JNIM comme les deux principaux groupes terroristes qui causent le plus de tort à la région.
Objectifs des groupes terroristes
Le GTI 2024, l’ICG, les rapports du Conseil de sécurité des Nations unies sur le terrorisme au Sahel, l’analyse du terrorisme au Sahel du Centre africain d’études stratégiques et les rapports de Human Rights Watch sur les conflits au Sahel identifient les objectifs de ces différents groupes terroristes comme étant motivés par des raisons religieuses, politiques et socio-économiques.
Tout d’abord, diverses sources indiquent que ces groupes extrémistes et djihadistes visent à établir des États islamistes en renversant les gouvernements laïques dans le seul but d’établir des États régis par leur interprétation de la charia. Il s’agit notamment du JNIM, allié à Al-Qaïda, et de l’ISGS, affilié à l’État islamique.
Deuxièmement, elles cherchent à étendre leur contrôle territorial et leur influence en exploitant la faiblesse de la présence et de la gouvernance de l’État dans les régions reculées. En contrôlant davantage de territoires, elles peuvent créer des refuges pour leurs opérations et recruter davantage de membres.
En outre, ils ont l’intention de déstabiliser et d’affaiblir les autorités de l’État en menant des attaques ciblées contre les institutions gouvernementales, les forces militaires et les infrastructures afin de créer un vide de pouvoir qu’ils peuvent exploiter – une stratégie qui sape la capacité des gouvernements à gouverner et à assurer la sécurité de manière efficace.
En outre, la promotion d’un programme djihadiste mondial est l’une des principales motivations des actions de ces groupes. Certains d’entre eux font partie du mouvement djihadiste mondial plus large. Ils contribuent à la lutte mondiale contre les ennemis présumés de l’islam, y compris les pays occidentaux et leurs alliés. Ils s’alignent ainsi sur des réseaux terroristes internationaux plus vastes, tels qu’Al-Qaïda et l’État islamique.
Outre les objectifs susmentionnés, ils visent également à acquérir des ressources (mines minières) et le financement nécessaire à leurs opérations. Ces groupes se livrent donc à diverses activités illicites telles que l’enlèvement contre rançon, la contrebande et le trafic d’armes, de drogues et d’êtres humains. Certains d’entre eux ont également annexé des concessions minières et se livrent à l’exploitation minière artisanale illégale, qui a des effets dévastateurs sur la région déjà ravagée par le climat en polluant les sources d’eau avec du mercure, du cyanure et d’autres produits chimiques mortels, en décimant les réserves forestières qui protègent la flore et la faune rares et, à son tour, en exacerbant le changement climatique par le biais de la déforestation. Ces activités ne fournissent pas seulement le financement nécessaire aux groupes terroristes, mais perturbent également les économies locales.
Modus operandi
Ces groupes terroristes opèrent principalement en exploitant les griefs locaux, tels que les tensions ethniques, les disparités économiques et la marginalisation politique, afin d’obtenir un soutien. Ils se posent en défenseurs des communautés marginalisées, ce qui leur permet d’acquérir une légitimité locale et de soutenir leurs activités. C’est pourquoi ils peuvent facilement recruter des membres de communautés nomades d’éleveurs de bétail, comme les Fulanis, qui se sentent irrespectés, dépossédés et marginalisés par leurs communautés d’accueil.
Ces groupes ont également profité de l’instabilité et de la faible gouvernance de la région pour étendre leur influence et mener des opérations violentes. Leurs activités ont contribué à l’augmentation significative du nombre de décès liés au terrorisme et ont gravement affecté la sécurité et la situation humanitaire au Sahel. Leurs actions contribuent de manière significative à l’instabilité et aux problèmes de sécurité dans la région.
Effets collatéraux du terrorisme
L’Initiative mondiale de lutte contre le terrorisme souligne le lien entre le terrorisme et la criminalité organisée dans le Sahel, notant que le trafic d’êtres humains, le trafic d’armes et les réseaux criminels établis exacerbent la situation en matière de sécurité.
Vision of Humanity note que la détérioration de la situation sécuritaire au Sahel reflète des problèmes plus larges de gouvernance et des défis socio-économiques, contribuant à la vulnérabilité de la région aux influences extrémistes.
Lutte contre le terrorisme au Sahel
Ni les gouvernements des pays du Sahel, ni les autorités régionales, ni la communauté internationale ne sont restés inactifs face à la tyrannie du terrorisme. De nombreuses mesures ont été prises et d’autres sont encore en cours d’élaboration. Ces actions se présentent sous la forme d’un pot-pourri de stratégies militaires, diplomatiques et de développement.
1. Opérations militaires
1.1. G5 Sahel Joint Force
Formée par le Burkina Faso, le Tchad, le Mali, la Mauritanie et le Niger, la force conjointe du G5 Sahel vise à lutter contre le terrorisme et le crime organisé par le biais d’opérations militaires coordonnées au-delà des frontières des États membres (African Center for Strategic Studies – Reports on G5 Sahel Joint Force).
1.2. Operation Barkhane
Dirigée par la France, l’opération Barkhane soutient les armées régionales dans leur lutte contre les groupes terroristes. Elle fournit des renseignements, de la logistique et un soutien aérien. L’opération a toutefois fait l’objet de critiques quant à son efficacité et à la perception d’une intervention étrangère. (International Crisis Group – Analyse de l’opération Barkhane).
1.3. African Union and UN Missions
L’Union africaine (UA) et les Nations unies (ONU) soutiennent diverses missions de maintien de la paix et de stabilisation au Sahel, dont la MINUSMA (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali), qui vise à stabiliser le Mali et à protéger les civils (Nations unies – Mise à jour de la mission MINUSMA).
2. Renforcement des capacités et formation
2.1. European Union Training Missions
L’UE fournit une formation et un soutien consultatif aux forces de sécurité sahéliennes par le biais de missions telles que EUTM Mali (European Union Training Mission). Ces missions visent à renforcer les capacités des forces militaires et policières locales (European Union External Action – EUTM Mali reports).
2.2. United States Africa Command (AFRICOM)
L’AFRICOM mène des exercices de formation et assiste les armées sahéliennes, en se concentrant sur l’amélioration des opérations de lutte contre le terrorisme, la collecte de renseignements et la sécurité des frontières (United States Africa Command (AFRICOM) – Training mission details).
3. Développement et efforts humanitaires
3.1. Sahel Alliance
L’Alliance pour le Sahel, une coalition de donateurs et d’organisations internationales, se concentre sur des projets de développement visant à s’attaquer aux causes profondes de l’instabilité, telles que la pauvreté, le chômage et le manque d’infrastructures. Elle vise à créer les conditions d’une stabilité à long terme et d’une résistance à l’influence extrémiste. (Alliance Sahel – Résumés des projets de développement)
3.2. United Nations Integrated Strategy for the Sahel (UNISS)
L’UNISS vise à améliorer la coordination entre les agences de l’ONU dans la fourniture de l’aide humanitaire, la promotion de la gouvernance et le soutien au développement socio-économique dans la région. (Stratégie intégrée des Nations unies pour le Sahel (UNISS) – Objectifs stratégiques).
4. Initiatives diplomatiques
4.1. Peace Agreements
Les efforts visant à négocier des accords de paix entre les gouvernements et les groupes d’insurgés ont fait partie de la stratégie de lutte contre le terrorisme. Par exemple, l’accord d’Alger au Mali visait à instaurer une paix durable entre le gouvernement et les groupes rebelles touaregs.
4.2. Regional Cooperation
La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union africaine encouragent la coopération régionale et les efforts de sécurité collective pour faire face aux menaces terroristes transfrontalières (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) – Coopération régionale en matière de sécurité).
Le contre-terrorisme au Sahel est-il en train de devenir une autre forme de terrorisme ?
- Violations des droits de l’homme et massacres de civils
Les opérations de lutte contre le terrorisme ont été critiquées pour les violations des droits de l’homme commises par les forces de sécurité, qui peuvent alimenter les griefs locaux et le recrutement par les groupes terroristes (Human Rights Watch – Rapports sur les opérations de lutte contre le terrorisme). Par exemple, HRW a documenté comment, le 9 avril 2020, des soldats burkinabés ont sommairement exécuté 31 hommes dans une ville appelée Djibo.
Le HCR a également documenté la façon dont les forces de sécurité de l’État, au nom de la lutte contre le terrorisme, ont effectué une descente dans le camp de réfugiés de Mentao, blessant au moins 32 personnes et leur ordonnant de quitter la zone « dans les 72 heures à venir, sous peine d’être tuées ».
Au Niger, 102 civils des communautés touareg et peul ont été éliminés en quelques jours dans les villes d’Inates et d’Ayorou. Des charniers ont ensuite été découverts dans la région, accréditant l’hypothèse d’un massacre commandité par l’État au nom de la lutte contre le terrorisme.
Mondafrique en 2020 a également signalé des attaques similaires dans d’autres parties de Tillabery, y compris Ouallam et Torodi. La MINUSMA a également enregistré des attaques dans la région de Menaka, du côté malien de la frontière.
Au Mali, la MINUSMA a de nouveau documenté 101 exécutions sommaires de civils peuls par les forces de l’État dans les régions centrales de Mopti et de Ségou, selon Le Monde en 2020.
Ce rapport a également fourni des preuves de torture à l’encontre de civils ainsi que de disparitions forcées.
La plupart de ces atrocités commises par les forces de sécurité de l’État au Sahel ont été réalisées au nom de la lutte contre le terrorisme par deux unités spécialisées de l’armée et de la gendarmerie connues sous le nom de GFAT (aujourd’hui appelé GFSN) et d’USIGN, opérant dans le nord du Burkina Faso, selon un rapport de HRW datant de 2018.
Selon HRW, la Garde nationale malienne est également responsable de la plupart des atrocités commises contre les civils à Mondoro.
Au cours du seul premier trimestre 2021, plus de 300 civils ont été tués lors d’opérations antiterroristes dans l’ouest du Niger. Au cours de ce même trimestre, quelque 203 civils innocents ont été tués en moins d’une semaine, du 16 au 21 mars, selon l’Institut d’études de sécurité (ISS). Certains civils ont déclaré à l’ISS à Niamey que les actions de l’armée contre les civils donnent l’impression que « les terroristes sont dans les deux camps ».
- Panne des médias et attaques contre les journalistes
Au nom de la lutte contre le terrorisme, les médias et les journalistes sont bâillonnés, tués et censurés au Burkina Faso, par exemple, pays dirigé par la junte. Les journalistes qui osent critiquer les autorités burkinabées sont rapidement arrêtés par l’État et incarcérés. En conséquence, la liberté de la presse et la liberté d’expression des citoyens ont été réduites au Burkina Faso.
Selon Reporters sans frontières (RSF), la junte a détérioré l’environnement du journalisme et l’accès à des informations diversifiées. RSF a déclaré : Le « traitement patriotique » de l’information cher au capitaine Ibrahim Traoré, le président de transition, prend progressivement le pas sur la possibilité d’une information journalistique rigoureuse.
RSF note que malgré la présence de 80 journaux, 30 chaînes de télévision, 185 stations de radio et 100 sites web d’information, « la détérioration de l’environnement politique et sécuritaire a entraîné une augmentation des pressions extérieures et de l’autocensure ».
RSF mentionne à nouveau que « les cas d’intimidation de journalistes se sont multipliés ces dernières années », citant en exemple que : « Lors des deux coups d’État de 2022, des militaires se sont postés à l’entrée de la chaîne de télévision nationale, contrôlant les entrées et les sorties, et obligeant les journalistes à lire leurs communiqués de presse à l’antenne.
La junte au pouvoir a également muselé les médias étrangers (principalement français) en suspendant Radio France Internationale (RFI), France 24 et Jeune Afrique, et en expulsant certains journalistes.
En outre, RSF a déclaré : « Le gouvernement intimide également les journalistes locaux, comme en témoigne la suspension de Radio Oméga pendant un mois en août 2023. La même année, une agence de relations publiques proche de la présidence a organisé une campagne de diffamation à l’encontre de trois journalistes burkinabés ».
RSF a également indiqué que « la violence à l’encontre des journalistes, tant de la part des groupes armés que des autorités, a augmenté ces dernières années », expliquant : « Deux journalistes espagnols, David Beriain et Roberto Fraile, ont été tués en avril 2021 – les premiers en plus de 20 ans – alors qu’ils effectuaient un reportage dans l’est du pays, près de la région dite des trois frontières du Sahel, où convergent les frontières du Burkina Faso, du Niger et du Mali et où plusieurs groupes armés sont actifs. Il n’est pas rare que des reporters soient menacés ou soumis à des violences lors de manifestations ».
La situation n’est pas différente au Mali, où RSF rapporte que « l’insécurité liée à la menace terroriste, combinée à l’instabilité politique, compromet l’accès des journalistes à l’information ».
Elle a cité le cas du journaliste français Olivier Dubois, retenu en captivité par l’État pendant 711 jours, comme un exemple de la détérioration de l’environnement pour les journalistes.
Le Mali, selon RSF, compte environ 200 journaux, plus de 500 stations de radio et plusieurs dizaines de chaînes de télévision, y compris régionales. La couverture de l’actualité et la programmation des médias, selon RSF, étaient « très diversifiées jusqu’à la suspension définitive des médias français RFI et France 24 en avril 2022 ».
On peut également y lire ce qui suit : « La radio Mikado FM, lancée par les Nations unies en juin 2015 et animée par des journalistes locaux, fermera définitivement ses portes en novembre 2023. »
Au Niger, autre pays sahélien dirigé par la junte, la Fondation pour les médias en Afrique de l’Ouest a récemment rapporté que « la liberté de la presse est réellement en danger depuis le coup d’État du 26 juillet 2023. La répression des voix critiques est si prononcée qu’il est difficile de trouver un journaliste prêt à témoigner ouvertement du calvaire des hommes et des femmes de médias ».
MFWA a cité la journaliste nigérienne Rachidatou Dramane (nom fictif), qui aurait déclaré : « Je pense que nous avons déjà assez souffert. Je préfère ne pas vous parler plutôt que de me retrouver en exil ou en prison après vous avoir dit ce que nous vivons en ce moment ».
- Gel des activités politiques/ harcèlement des opposants politiques
Au nom de cette même lutte contre le terrorisme, certains pays terrorisent leurs opposants ou critiques politiques et suspendent également toutes les activités politiques. C’est le cas du Mali, où le 10 avril 2024, le conseil des ministres a décrété que tous les partis et associations politiques du pays suspendaient leurs activités « jusqu’à nouvel ordre ».
Le lendemain, la Haute autorité de la communication a ordonné à tous les médias de cesser de « diffuser et publier les activités » des partis politiques et des associations.
De même, au Burkina Faso, la junte a décrété en septembre 2023, selon Reuters, qu’il n’y aurait pas d’élections pour ramener le pays à un régime civil tant que tous les Burkinabés ne pourraient pas voter en toute sécurité. Il convient de noter que les putschistes du Burkina Faso, du Mali et du Niger se sont tous appuyés sur la lutte contre le terrorisme pour renverser leurs gouvernements respectifs, qu’ils accusaient de ne pas faire grand-chose pour lutter contre le terrorisme dans la région. Bien qu’ils aient promis de prendre le taureau de la contre-insurrection par les cornes, la situation du terrorisme dans la région a plutôt empiré, puisque le Burkina Faso, selon le GTI 2024, est maintenant la région la plus terrorisée du monde.
Analyse Il semble que la lutte contre le terrorisme ait été un outil politique commode pour les trois pays du Sahel dirigés par la junte. Ils l’utilisent de manière fantaisiste et capricieuse pour servir leurs causes et leurs objectifs. Ironiquement, ce prétendu protecteur devient aujourd’hui, en soi, un équipement répressif et dangereux avec lequel les juntes terrorisent leur propre peuple en ciblant et en tuant des citoyens innocents, en supprimant la voix du peuple, en tuant la liberté de parole et la liberté d’expression, en hantant et en traquant les rivaux politiques tout en gelant toute activité politique. Ainsi, les citoyens innocents de ces pays sont désormais pris au piège entre deux maux et aucun ne semble être le moindre. Les citoyens innocents pris entre deux feux doivent-ils se ranger du côté des « terroristes de la junte » qui les tuent tout comme les extrémistes perçus comme réels ou doivent-ils simplement embrasser leur « Pompéi » ?