Introduction
Le leadership est un ingrédient essentiel, nécessaire à la cohésion nationale, à l’orientation, à la construction de la nation et au développement national. L’époque dans laquelle nous vivons exige des mains très stables et expérimentées à la tête des affaires nationales dans toutes les nations africaines. La question du leadership n’a jamais été aussi cruciale qu’aujourd’hui.
L’Afrique a parcouru un long chemin depuis les années 1960, lorsque les pays qui la composent se sont battus pour obtenir leur indépendance face à des puissances coloniales qui ne voulaient pas les laisser partir. Le cas des pays francophones a souvent été abordé dans plusieurs documents et programmes. Le tableau dépeint est celui d’efforts considérables visant à maintenir l’Afrique non seulement marginalisée par rapport à l’ordre économique mondial, mais aussi assujettie au point de dépendre des soi-disant pays développés de l’Ouest pour obtenir des aides.
La révolution numérique, provoquée par le développement de la technologie et un accès important, en particulier aux téléphones mobiles intelligents, a transformé la manière dont les nouvelles et les informations en général sont transmises à des millions de personnes à travers l’Afrique. L’analyse comparative des questions nationales avec des perspectives internationales est une affaire qui revient presque toutes les heures, car les Africains, sur tout le continent, aspirent à des changements dans leur vie grâce à une nouvelle race de dirigeants, qui ne soient pas corrompus, cupides, égoïstes ou désireux de stocker les richesses de leurs nations à l’étranger. En effet, la réalité de la situation est que l’Afrique soutient le reste du monde depuis des décennies – en fournissant des matières premières telles que le cacao, le café, le caoutchouc, le pétrole brut et d’autres ressources minérales à bas prix et en recevant en échange des produits finis et/ou transformés à des prix très élevés.
Mark Curtis et Tim Jones, dans leur article intitulé » How the World Profits from Africa’s Wealth » ( Comment le monde profite de la richesse de l’Afrique ), expliquent cette situation de la manière suivante ;
L’Afrique est riche – en richesses minérales potentielles, en travailleurs qualifiés, en nouvelles entreprises en plein essor et en biodiversité. Ses habitants devraient prospérer, ses économies aussi. Pourtant, de nombreuses personnes vivant dans les 47 pays d’Afrique restent piégées dans la pauvreté, alors qu’une grande partie des richesses du continent est accaparée par ceux qui n’en font pas partie. Les recherches effectuées dans le cadre de ce rapport ont permis de calculer les mouvements de ressources financières vers et depuis l’Afrique, ainsi que certains coûts clés imposés à l’Afrique par le reste du monde. Nous constatons que les pays d’Afrique sont collectivement des créanciers nets du reste du monde, à hauteur de 41,3 milliards de dollars en 2015. Ainsi, le continent le plus pauvre du monde perd beaucoup plus de richesses qu’il n’en gagne.[1]
Le même article cite Gabriel Zucman, un universitaire de la London School of Economics, qui a estimé en 2014 que les riches Africains détenaient 500 milliards de dollars offshore (c’est-à-dire dans des paradis fiscaux), soit 30 % de l’ensemble de la richesse financière de l’Afrique. Le fait que cette richesse ne soit pas taxée signifie que les élites africaines ont volé 15 milliards de dollars à leur propre pays.[2]
L’Afrique est le marché de nombreux biens et services, dont certains dont elle n’a pas vraiment besoin et qu’elle est pourtant censée accepter ou acheter dans le cadre d’une économie mondiale qui insiste sur le libre-échange et l’ouverture des frontières.
Pour aggraver les choses, l’Afrique, et en particulier l’Afrique de l’Ouest, est confrontée à des défis liés à l’extrémisme, au chômage des jeunes, au changement climatique, au désordre social et aux conflits internes, à l’immigration illégale, à l’exploitation minière illégale, à la pêche illégale non réglementée et non déclarée et au pillage de ses eaux, autant de facteurs qui créent un mécontentement et une population agitée.
Si tout n’est pas sombre, les disparités entre les pays d’Afrique exercent une pression encore plus forte sur les dirigeants pour qu’ils améliorent la situation d’une manière qui permette d’établir une base de comparaison. Le rapport 2023 Africa Wealth Report, élaboré par Henly and Partners, qui fournit un examen complet du secteur de la richesse en Afrique, a indiqué ce qui suit dans son rapport[3];
Quatre des dix villes les plus riches d’Afrique se trouvent en Afrique du Sud – Johannesburg compte le plus grand nombre de millionnaires en Afrique, avec 14 600. Le Caire, endeuxième position avec 7 400 résidents fortunés, devance de peu Le Cap, qui en compte 7 200. Lagos est enquatrième position avec 5 400 millionnaires, et Nairobi est encinquième position avec 4 700 millionnaires. Les deux autres villes sud-africaines figurant dans le Top 10 sont Durban, à la6e place avec 3 600 personnes, et Pretoria, à la8e place avec 2 400 HNWI. L’Afrique du Sud abrite certains des quartiers résidentiels les plus huppés du monde, notamment Clifton au Cap, Beachy Head Drive à Plettenberg Bay et Sandhurst à Johannesburg. Selon les derniers chiffres de New World Wealth, environ 3 700 maisons en Afrique du Sud sont évaluées à plus d’un million de dollars. Selon cette mesure, l’Afrique du Sud se classe parmi les 20 plus grands marchés résidentiels de premier ordre au monde, loin devant les autres pays d’Afrique et en ligne avec les grands marchés émergents tels que l’Inde et le Brésil..
En outre, alors que l’Afrique reçoit un soutien de la part des pays occidentaux, de nombreux arguments suggèrent que ce soutien vise à rendre l’Afrique dépendante et n’est qu’un moyen d’appauvrir l’Afrique. Un article paru dans le journal Guardian il y a six ans donne du crédit à cette affirmation en affirmant que
Les pays africains ont reçu 162 milliards de dollars en 2015, principalement sous forme de prêts, d’aide et de transferts de fonds personnels. Mais la même année, 203 milliards de dollars ont été soustraits au continent, soit directement par les multinationales qui rapatrient leurs bénéfices et transfèrent illégalement de l’argent dans des paradis fiscaux, soit par les coûts imposés par le reste du monde dans le cadre de l’adaptation au changement climatique et de l’atténuation de ses effets.[4].
C’est dans ce contexte que se situe le nouveau dirigeant ouest-africain. Face à une population jeune extrêmement rétive, qui ose et veut traverser le désert du Sahara pour joindre les deux bouts, ce nouveau dirigeant doit élaborer une stratégie pour faire la différence et changer le cours des choses. Ce qui est encore plus troublant pour cette nouvelle génération de dirigeants, censés mener l’Afrique vers sa croissance supposée au-delà de l’aide, c’est que les attitudes qui se sont développées au fil des ans ne voient que désespoir, refus de contribuer à l’effort national et mentalité du « tout m’est dû ». L’altruisme qui a donné naissance aux nations africaines, certaines considérant leur indépendance comme inextricablement liée à la libération totale du continent, n’existe plus guère. Les pays qui s’en sortent bien semblent fermer leurs frontières aux ressortissants d’autres pays en difficulté, ce qui ne fait qu’exacerber le problème. Quel type de dirigeant est donc nécessaire pour diriger les pays d’Afrique de l’Ouest et quels sont les dirigeants disponibles ? Quelles seront les questions qui guideront la prise de décision et comment les problèmes auxquels la population est confrontée seront-ils traités d’une manière qui soit inclusive et qui engendre la cohésion et la prospérité pour tous ? Le Ghana, en particulier, se trouve dans une situation difficile, certains de ses voisins étant les nations les plus visées par le terrorisme, les attentats et les décès qui en résultent.
Qu’est-ce que le leadership et qu’attend-on du nouveau dirigeant africain de 2024 et au-delà ?
Le leadership a de nombreuses définitions, mais la réalité de la situation est que le leadership requis pour conduire l’Afrique en 2025 et au-delà n’est pas défini de manière adéquate par la littérature disponible sur le leadership. Toutefois, dans un souci de comparaison, CISA semble enclin à se référer à F. John Reh, qui estime qu’un leader est une personne qui a une vision, une motivation et un engagement pour réaliser cette vision, ainsi que les compétences nécessaires pour y parvenir.[5]. Chad Brooks, du Business News Daily, affirme que si la définition du leadership est l’acte de diriger les autres, amener les gens à le faire est plus facile à dire qu’à faire.[Greenleaf estime qu’un leader prend l’initiative, fournit les idées et la structure, et prend le risque de l’échec en même temps que la chance du succès… tout en sachant que la voie est incertaine, voire dangereuse.[7]. La définition du leadership de Greenleaf semble souligner le fait que non seulement les leaders sont importants, mais qu’ils sont essentiels ou critiques pour la réussite.[8]
La CISA croit aux modèles, et nos analystes ont élaboré un modèle qui devrait nous permettre de savoir clairement où nous allons, de reconnaître notre défi et le marché sur lequel nous nous trouvons, afin de développer un axe stratégique qui nous permettra d’y parvenir. Par conséquent, bien qu’une définition soit nécessaire, nous avons proposé un modèle qui illustre les défis actuels en Afrique de l’Ouest, en prenant le Ghana comme point de référence. Ce modèle, essentiellement développé à partir du concept de leadership de Paul Elkin[9], affirme que c’est la perspicacité des dirigeants qui est à l’origine de la réussite de leurs organisations. Il définit l’insight comme le pouvoir de voir dans une situation : comprendre, pénétrer ; et aussi une certaine intuition . Son concept d’insight a été recréé dans le diagramme ci-dessous.
Le défi du développement national
Le concept de développement national est étroitement lié aux désirs et aux aspirations d’un peuple. Le Ghana n’est pas différent. Cependant, la définition du développement est souvent mixte, avec des références à ce qui se passe dans d’autres pays, en particulier l’Occident, comme norme.
Le développement national fait généralement référence à la croissance ou à l’amélioration du niveau de vie des citoyens d’un pays dans tous les domaines, y compris les sphères économiques, sociales, culturelles et matérielles de la vie nationale. Des indicateurs sont généralement utilisés pour évaluer ou comparer les niveaux de croissance.
En Afrique de l’Ouest en général et au Ghana en particulier, les citoyens sont confrontés à des défis majeurs à l’aune desquels les efforts de développement national sont mesurés. Par exemple, la facilité de faire des affaires, l’accès au logement et aux soins de santé, l’éducation, la liberté de circulation, la sécurité, la sûreté générale et la qualité de vie.
Les défis du développement en Afrique de l’Ouest sont multiples. Au Ghana en particulier, la proximité des principaux points chauds du terrorisme en fait un attrait naturel pour les personnes qui fuient pour se mettre en sécurité. Le rapport sur le terrorisme a identifié à juste titre les trois pays qui ont récemment quitté la Cedeao comme des points névralgiques pour les activités terroristes. Les retombées et l’impact des graves attaques auxquelles ils sont confrontés, notamment au Burkina Faso, sont préoccupants et doivent être pris en compte dans les efforts de planification du développement. La carte ci-dessous, tirée du rapport 2023 sur le terrorisme mondial, reflète les défis posés par la proximité du Ghana avec le Burkina Faso.
Source : Rapport mondial sur le terrorisme 2023
En outre, le taux élevé de chômage des jeunes et le manque de débouchés sont préoccupants pour le développement de la nation. Le manque d’accès à des soins de santé de qualité dans certaines régions du pays est un facteur clé de la migration interne, ce qui exerce une pression excessive sur les ressources limitées dans d’autres régions du pays. Le manque d’équipements essentiels, tels que les routes, l’éclairage public et des systèmes de transport public fiables, affecte l’accès aux marchés et le développement d’opportunités pour tous.
Il n’est pas nécessaire de réinventer la roue, mais tout porte à croire que les leçons qui ont été tirées ailleurs devront être adaptées à la situation africaine pour faire la différence et relever les défis en matière de leadership et de développement auxquels l’Afrique est confrontée en cette période d’instabilité. On estime que les défis à relever, tant au niveau du leadership que du développement, sont surmontables et la CISA souhaite collaborer avec l’Afrique de l’Ouest pour les relever.
Considérations sur le leadership et le développement en Afrique de l’Ouest
Les questions abordées ci-dessus concernent tous les pays d’Afrique de l’Ouest et au-delà. Ils sont exacerbés dans la région de la CEDEAO en raison des défis de l’extrémisme et des guerres qui ont frappé la région. Malgré cela, une nouvelle direction est nécessaire pour changer la donne et renverser la situation. La CISA propose ce qui suit ;
– Développement de partenariats dans toute la région pour tirer des leçons qui peuvent être adaptées aux conditions et à la culture locales. Le développement de la cohésion et de l’unité est un élément essentiel de la chaîne d’événements qui doit se produire à moyen terme.
– Politique : Un nouveau leadership politique est nécessaire pour traduire la rhétorique en réalité grâce à un leadership humble, exemplaire mais ferme, qui reconnaît l’individu comme un bénéficiaire clé de l’émancipation politique. Si les questions de droits sont fondamentales, elles doivent être juxtaposées à l’intérêt général et collectif pour tracer la voie politique qui sera la plus large possible. Plus important encore, ces dirigeants politiques doivent démontrer qu’ils ne se plient pas aux diktats d’intérêts extérieurs à l’Afrique.
– L’infrastructure : Bien que le développement des infrastructures soit important, il est devenu nécessaire d’adopter une approche globale pour l’ensemble de la nation et non pas l’approche fragmentaire qui a caractérisé le développement dans le passé. Un plan national d’infrastructure avec des délimitations clés sur ce qui doit être fait et où, et l’invitation du secteur privé à participer au processus de développement susciteraient la confiance et le soutien.
– Social : il est fondamental de créer un nouvel état d’esprit qui ne soit pas basé sur une mentalité d’ayant droit, afin d’exiger des avantages assortis de responsabilités appropriées. L’application impartiale des règles, des réglementations, des opportunités et des avantages devrait être le fondement d’un nouvel ordre social réactif, fondé sur des données probantes et ouvert à tous.
– La technologie : L’Afrique a pris du retard par rapport à de nombreuses régions du monde en ce qui concerne la technologie et la numérisation. La reconnaissance de cette nécessité constituerait la base de l’adhésion de tous. Il est fondamental d’améliorer les services clés tels que l’argent mobile, les systèmes d’adresses de propriété, les systèmes d’enregistrement et de prestations en tirant parti de la puissance de la technologie.
– Marchés et intégration : Le concept de la zone de libre-échange continentale africaine (AfCFTA), s’il est bien mis en œuvre, peut changer la donne. Il offre la possibilité de réunir environ un milliard de personnes avec un PIB total de plusieurs milliers de milliards de dollars. La vision d’ensemble doit se traduire par la fourniture de services, l’intégration des systèmes de transport, des systèmes d’identification pour la vérification, l’amélioration des transactions et des transferts bancaires et la communication en général.
Conclusion
L’Afrique et l’Afrique de l’Ouest sont à la croisée des chemins. Les problèmes auxquels sont confrontées les autorités nationales, bien que nombreux, sont surmontables. Le défi pour le continent est d’identifier une nouvelle race de dirigeants ayant l’expérience, la volonté et l’humilité d’affronter les problèmes de front et de faire la différence. Le continent doit se rendre compte que personne ne le développera si ce n’est sa population. Ceux qui ont sapé les faiblesses du continent et en ont profité seraient heureux que le statu quo se poursuive. Toutefois, cette nouvelle génération de dirigeants devra développer un état d’esprit global qui encourage tout le monde à mettre la main à la pâte, en sachant et en croyant que c’est possible et qu’on peut y arriver.
[1] Comment le monde profite des richesses de l’Afrique – Institut du monde noir du 21e siècle (ibw21.org)
[2] Voir Gabriel Zucman, « Taxing across Borders : Tracking Personal Wealth and Corporate Profits’, Journal of Economic Perspectives, 2014, p.140, http://gabriel-zucman.eu/files/Zucm…. Global Financial Integrity estime que les résidents d’Afrique détenaient 263 milliards de livres sterling dans des centres financiers offshore en 2011. Global Financial Integrity, Financial Flows and Tax Havens, 2015, p.63, http://www.gfintegrity.org/wpconten…
[3] Africa Wealth Report 2023 | Communiqué de presse | Henley & Partners (henleyglobal.com)
[4] Le monde pille les richesses de l’Afrique de « milliards de dollars par an » | Aid | The Guardian
[5] http://management.about.com/od/leadership/a/whatisaleader.htm
[6] http://www.businessnewsdaily.com/2730-leadership.html L’article tente de répondre à la question « Qu’est-ce que le leadership ?
[7] p29 Servant leadership : Un voyage dans la nature du pouvoir légitime et de la grandeur
[8] voir Jones et Olken qui pensent que le leadership peut être responsable de la croissance économique soutenue ou du déclin d’une nation.
[9] Paul Elkin (1998) Mastering Business Planning & Strategy (Maîtriser la planification et la stratégie d’entreprise)