Contexte
Le Burkina Faso s’enfonce progressivement dans un régime autoritaire depuis la prise de pouvoir du capitaine Ibrahim Traoré et du Mouvement Patriotique pour la Sauvegarde et la Restauration (MPSR) II, en particulier ces derniers temps. Les professionnels des médias, les organisations de la société civile (OSC), les partis politiques et les autres personnes qui critiquent le régime en place ou sont considérées comme des opposants sont criminalisés et arrêtés, détenus ou réquisitionnés par les milices pour se rendre sur le champ de bataille. Des proches sont nommés à des postes clés et des massacres de civils sont perpétrés au nom de la lutte contre le terrorisme.
Coups d’État
Le 22 janvier 2022, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba prend la tête du MPSR I pour organiser le premier coup d’État visant à renverser le président élu, Christian Marc Kaboré. Le groupe a cité la dégradation de la situation en matière de sécurité dans le pays comme la principale motivation de son action. Le gouvernement et l’Assemblée nationale sont dissous.
Huit mois plus tard, un nouveau putsch est organisé par une section de l’armée se réclamant du MPSR II, dirigée par le capitaine Ibrahim Traoré, au motif que Damiba s’est écarté des principes du MPSR I et s’est aligné sur l’Occident. Une fois de plus, le gouvernement et l’Assemblée nationale ont été dissous.
En septembre 2023, une nouvelle tentative de coup d’État est menée mais échoue. Depuis lors, plusieurs autres tentatives de coup d’État ont été annoncées par le régime de transition, qui aurait tenté d’éliminer le chef de la transition, le capitaine Traoré. La critique de l’inefficacité des différents putschs à rétablir l’ordre s’est progressivement développée dans le pays, mais le régime continue de réprimer la population.
Certaines parties du pays échappent à tout contrôle
L’instabilité politique du pays est due à une situation sécuritaire extrêmement dégradée. Le gouvernement ne contrôle qu’environ la moitié de son territoire, le reste étant sous l’influence de groupes armés, dont la branche locale d’Al-Qaïda, Jama’at Nasr al-Islam wal Muslimin (JNIM), et l’État islamique dans le Grand Sahara (ISGS). L’explosion du terrorisme depuis 2018 n’a jamais été contenue, entraînant le déplacement de plus d’un million de citoyens.
Lors des différentes tentatives du régime militaire pour mettre le pays sous contrôle, le gouvernement a essayé de siphonner et de contrôler l’information en empêchant la diffusion de critiques, en interdisant à plusieurs médias d’opérer sur le territoire burkinabé, dont France 24, Radio France Internationale et Jeune Afrique, entre autres.
Le régime militaire a désormais institué des poursuites à l’encontre de toute personne ayant plus de 5k followers sur les médias sociaux et exprimant des critiques à l’égard du régime sur Internet.
Réquisition forcée
La stratégie d’arrestation, de détention et de réquisition continue d’hommes d’État, de politiciens et d’activistes des médias sociaux sur le champ de bataille a été adoptée par le capitaine Traore et le régime MPSR II pour faire taire leurs critiques, leurs opposants ainsi que d’autres membres du personnel militaire qui semblent constituer une menace pour le régime. La plupart de ces personnes devront rester sur le terrain pendant au moins trois mois, ce qui constitue une violation flagrante de leurs droits humains.
Certains hommes politiques, journalistes, militants des droits de l’homme et leaders d’opinion critiques à l’égard du régime actuel ont souffert de cette stratégie. Parmi eux figurent Ablassé Ouédraogo, un homme politique de 70 ans, le Dr Daouda Diallo, un dirigeant d’une OSC, et l’enlèvement de l’ancien ministre des sports, Wahabou Drabo, pour n’en citer que quelques-uns. Des hommes en uniforme tels que l’ancien chef d’état-major de la gendarmerie nationale, le lieutenant-colonel Evrad Somda, et une douzaine de soldats ont été arrêtés et leur sort reste inconnu.
Consolider le pouvoir
Depuis sa prise de pouvoir, le capitaine Traoré a procédé à une série de nominations au sein de l’armée, notamment dans les bataillons d’intervention rapide, les régiments d’infanterie commando et d’autres groupes au sein des forces de sécurité, afin d’y intégrer des personnes en qui il a confiance. La plupart de ces soldats sont des officiers de rang moyen, tout comme Traore, afin de pouvoir le contrôler et lui rendre des comptes.
Pour pouvoir gérer les officiers supérieurs, le capitaine a élevé le colonel-major Célestin Simporé, chef d’état-major des forces armées du Burkina Faso, et le colonel-major Kassoum Coulibaly, ministre de la défense et des anciens combattants, au rang de généraux de brigade, afin de consolider le pouvoir.
Plus important encore, le MPSR II est sur le point d’assurer la sécurité du régime avec l’arrivée de 100 soldats russes (Corps africain), 200 autres étant attendus à une date non divulguée, afin d’assurer la protection rapprochée du président du régime. Le président a également renforcé sa sécurité personnelle et le périmètre de son bureau grâce aux chars et munitions militaires nouvellement acquis, tout en renforçant ses proches collaborateurs avec des membres de sa famille et des amis.
Massacres
Plusieurs massacres ont été perpétrés sous l’administration Traore, souvent par les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), qui sont des milices civiles armées, utilisées par le gouvernement dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, contre la population civile, en particulier les Peuls.
Le 20 avril 2023, environ 156 civils ont été tués dans un massacre de Karma dans la région du nord du Burkina Faso par ce qui a été revendiqué comme un raid de l’armée et de ses auxiliaires volontaires.
De même, en novembre 2023, plus de cent civils, dont des femmes et des enfants, auraient été tués dans un massacre perpétré par les forces gouvernementales dans le village de Zaongo, dans la région Centre-Nord du pays.
Conclusion
Les coups d’État étaient fondés sur une rhétorique sécuritaire visant à mettre fin à la détérioration de la situation. Cependant, force est de constater que le pays s’enfonce de plus en plus dans le chaos politique et sécuritaire. Incapable de faire face à la détérioration de la situation, le gouvernement a commencé à criminaliser l’opposition, allant même jusqu’à réquisitionner de force les opposants dans l’armée et à criminaliser toute forme de critique. Afin de renforcer son emprise sur le pouvoir et face au risque de nouvelles tentatives de coup d’État, le capitaine a progressivement placé sa famille et ses amis à des postes clés, transformant le régime en un système autoritaire.